[Muire - Keren] Do you hear that ☾

La rencontre avec Baako m’a beaucoup aidée, beaucoup apaisée. Comme à chaque fois, il a su trouver les bons mots et les bons gestes. Et comme à chaque fois, nous avons beaucoup parlé. Une telle communion ne m’arrive plus réellement qu’avec l’éleveur des plaines. Et je dois avoir que je suis heureuse de l’avoir trouvé et de pouvoir passer du temps avec lui. Mais je crois que dans le fond, j’aimerais pouvoir en passer bien plus en sa compagnie. Mais je ne peux pas renoncer aussi facilement à mes responsabilités et à tout ce que je dois à mon clan. Malheureusement, la voie est encore floue sous mes pas. Il est encore tôt pour savoir et comme d’habitude je laisse les choses venir à moi pour mieux les comprendre, pour faire le choix le plus harmonieux selon mes attentes et la voie à suivre. Et pour le moment, c’est à travers les plaines Askhadi puis à travers la forêt Orketa qu’elle m’a menée. Jusqu’à la frontière. Et là, le vent froid venu du nord a mordu ma peau. J’ai attrapé ces fourrures échangées avec un marchand et j’ai protégé ma peau foncée de femme du désert de l’agression froide et dure du froid nordique.

La transe, les signes, les voix, les visions tous m’ont menée jusqu’ici. Et pas après l’autre, la certitude d’être au bon endroit m’a saisie. Les murmures parlaient de guerriers aux fourrures, d’animaux sanguinaires aux regards fous. Et il n’y a que là, retranchés derrière leur frontière menant aux glaciers que de tels hommes sont retranchés. Alors sans peur, j’ai avancé. J’ai gagné les contrées plus profondes de ce territoire dans lequel je n’étais jamais venue. J’ai découvert les vents du nord, découvert leurs murmures, leurs voix, leur mordant. Un peu trop tôt encore dans l’année pour les premières neiges, j’ai cependant pu comprendre la rigueur de ces terres. Et finalement, guidée par une poussée invisible j’ai finalement trouvé une étendue de petites fleurs du nord, magnifiques, glissant et ondulant au grès du vent. Je souris en les voyants, connaissant l’utilité de ces fleurs pour des baumes soignants. Je m’accroupis vraiment étonnée d’en voir autant, et je murmure : « En voilà une merveille… ». Ganesh sautille autour de moi, nullement dérangée par le froid et l’endroit plus sauvage, plus inquiétant que ce que nous connaissons. Je souris et l’empêche d’un bras de piétiner les fleurs sauvages tout en lui disant : « Tu as vu ça ? On n’en trouve pas des comme celles-ci par chez nous… ».

Alors que je suis penchée au-dessus de ces fleurs qui ont une réelle utilité et une telle rareté par chez nous, que je ne peux que penser à en ramener. Je ne pourrais pas les cultiver, elles ont besoin d'un climat très particulier, mais je pourrais peut-être en replanter quelques-unes à la limite de la frontière orketa, cela serait plus facile pour moi d'en prélever ? Moins dangereux aussi. Je reste là, à les regarder, à me laisser happer par leur mouvement perpétuel qui me guide jusqu'à des pensées inconsciente, des idées étranges, que je ne peux qu'effleurer du bout de l'esprit sans vraiment les comprendre, sans vraiment les appréhender. J’aime cet état. Cet état où les pensées sont là, certaines sont bleues, d’autres sont nacrées, certaines n’ont pas de couleur mais plutôt un son ou une odeur. Et toutes sont importantes, elles se mêlent, elles s’assemblent, elles semblent guider par ce mouvement, comme si le vent pouvait leur donner aussi un mouvement. Comme si le vent leur susurrait d’autres idées. J’en suis sûre. La nature a toujours une voix, et elle influence le cours des choses. Mais alors que je m'égare un peu plus une voix me tire de mes pensées. Ganesh bêle en regardant l'inconnue. C'est une voix de femme, et je me tourne alors qu'elle dit que je suis trop grosse pour être une truffe. Je fronce un peu les sourcils. Je me redresse pour détailler la femme. Des cheveux noirs, des marques bleues sur le visage, des fourrures sur elle. Une femme du nord. Elle a cette aura si typique, une certaine dureté autour d'elle mais pas autant que je n'aurais pu m'y attendre.

Elle reprend la parole me demande si je joue avec la nourriture. Elle s'adresse ensuite à quelqu'un qui ne semble pas être là puisqu'elle se retourne sur du vide, en parlant d'une viande pas assez cuite si elle court encore. Je plisse les yeux avant de répondre : « Je ne joue pas avec la nourriture. Et je ne tue pas un animal si je n'en ai pas expressément besoin. Le désert à conduit Ganesh à moi, alors à présent, je veille sur elle... ». Mais avant que je n'ai réellement eu le temps de finir ma phrase, la femme s'appuie sur une branche qui craque et la voilà à terre. Elle creuse et en sort une truffe, souriant avant de la ranger et de me poser une nouvelle question. Je la regarde longuement. Elle est étrange, mais de mes transes, de mes méditations dans le désert, une image c'était imposée à moi. Celle d'une femme sous des fourrures, aussi étrange que l'hiver, aussi mystérieuse que les songes inconscients, aussi shaman que moi. Je penche un peu la tête me demandant si c'est elle, ou si c'est juste une femme dont l'esprit est abîmé. Je réponds : « Je ne crois pas être égarée… Je sais d'où je viens, je sais ce que je recherche et si d'aventure mes pas doivent me guider jusqu'à mon but alors je pourrais en remercier ces vastes terres enneigées. Sinon, je rentrerais chez moi, jusqu'à ce qu'à nouveau le chemin de mes recherches s'ouvrent devant moi ». Je ne suis pas perdue. Même si je ne connais pas ces lieux, je sais ce que je veux, je sais comment repartir. Enfin, je peux suivre la course du soleil. « Je m'appelle Keren, l'enfant du désert. Et toi ? ». Maintenant que nous sommes là et que nous nous faisons face, je dois avouer que je suis curieuse de faire sa connaissance.

La femme du nord me dit qu'elle connaît bien le désert. Qu'elle l'a vu et entendu. Ainsi donc, c'est bien elle. Cette femme dont le désert m'a tant parlé. Celle qui a hanté mes vision à de nombreuses reprises. Une certaine impatience pique ma curiosité. Une fascination aussi. Cerstaine. Intense. Mais si aujourd'hui mes pas m'ont menée à elle, je ne peux m'empêcher de ressentir une certaine déception car ce n'est pas elle que je cherchais. Peut-être mon voyage sur ces terres n'est pas fini, peut-être obtiendrais-je ce que j'ai ardemment désiré. Alors c'est un fin sourire qui se dessine sur mes lèvres alors que je lui dis : « Personne ne connait vraiment le désert. Même ses enfants ont parfois bien du mal à le cerner. Il se montre tantôt séducteur, tantôt froid, tantôt amical, tantôt ennemi... Mais telle est sa façon d'être ». Et je l'accepte. Mieux que quiconque je comprends ses dangers et ses méandres. Pour autant, même moi je ne peux me vanter de vraiment le connaître. Malgré toutes les heures que nous avons passées ensemble. Peut-être m'aime-t-il plus que ces autres enfants pour me tolérer autant. Peut-être m'aime-t-il un peu plus, parce qu'il m'a sauvé, parce qu'il a guidé mon maître jusqu'à moi, alors que l'esprit du lac me sauvait des griffes des crocodiles.

Puis, elle questionne sur mes recherches, visiblement surprise par mes paroles et par mes propos. Curieuse, elle se permet de me demander quelles sortes de recherches j'effectue. Je ne perds pas mon sourire et lui répond : « Des recherches très humaines... Trop sûrement... ». Je regarde autour de nous, cherchant autour de nous des signes qui pourraient m'orienter vers celle que je cherche. Mais pour l'heure, rien ne semble sortir du paysage. Je repose mon regard sur elle pour dire : « Ma sœur disparue, emmenée quelque part sur les terres du nord... ». Aujourd'hui, m'ont chemin m'a guidée jusqu'ici. Mais demain, où me mènera-t-il ? Je ne peux le savoir, seul les esprits en décideront. Les esprits de la nature, principalement. « Peut-être sais-tu quelque chose à propos d'une shisayo arrachée à sa famille ? ». Par les barbares du nord. Trouvée en Pankara, bien loin de chez elle, et amenée ici, quelque part au milieu du froid du nord. Perdue.

A son tour, la femme se présente. La présence sentie dans les visions offertes par le désert porte à présent un nom et une image. Muire, la reine des neiges. Je ne me moque pas, bien au contraire. Je me contente d'incliner un peu la tête avec respect. Elle poursuit ensuite ses paroles en m'expliquant qu'Uriah lui a parlé de moi. Et bien sûr, elle cherche à me tester en me demandant ce que disent les esprits. Cette fois je ris un peu. C'est bien normal pour elle de chercher à me tester, n'est-ce pas ? « Nous n'entendons probablement pas la même chose. Nos vies, nos présents sont différents, et nos routes sont différentes... ». Je souris simplement, tout en ouvrant la main avec beaucoup de douceur pour venir taquiner un papillon qui passe non loin. Celui-ci considère ma main, comme s'il souhaitait s'y poser, mais en absence de nectar à butiner, le voilà qui s'éloigne. « Une fille du nord, me dit le vent, leur porte-parole, me murmurent les arbres... ». Je fais quelques pas de côté, pour venir admirer quelques-unes des fleurs qui dansent en suivant le tourbillon du vent. « Chaque élément de notre Terre prête des mots différents à qui veut bien les écouter... Et tous ont des mots bien particuliers à l'adresse de chacun d'entre nous... ». Car chaque être humain a une destinée différente. Ils s'adaptent à chacun, au moment de leur vie où ils ont besoin d'ête guidés. Et d'une journée à l'autre ces mots peuvent être différents. Voilà toute la complexité de la nature et de la vie humaine. « Douterais-tu de la parole d’Uriah ? ». Notre chef bien aimé, depuis longtemps guide de notre clan. Enfant chéri du désert qui veille sur ses jours. Qui donc oserait douter de lui…. Folie.

La shamane du nord reprend mes paroles et je l'écoute. Elle reprend mes mots, ma description comme pour me montrer que je le connais. Mais en réalité, elle n'a pas tout à fait raison, ou du moins elle s'arrête à la simple réalité : ce qu'il peut être ou ne pas être. Ce qu'il peut. Ce qu'il veut. Ce qu'il est parfois, toujours, jamais. Et ce qu'on ne peut pas prévoir. Voilà la réalité du désert : on peut le connaître, on peut savoir quel visage il va arborer, mais en réalité, on ne peut jamais prévoir. Le désert décide de ce qu'il fait quand il le souhaite, parfois il prend des vies, parfois il en guide. Toujours généreux dans ce qu'il fait, mais aussi dangereux que les créatures qui l'arpentent. Et malgré cette relation si étroite, si étrange, ses caresses sur ma peau, jamais je ne saurais le prévoir. Mais je l'entends lorsqu'il me murmure ses mots, ses maux. Je souris, avec la douceur d'une amante et je lui réponds : « Je sais ce qu'il peut être, mais jamais ce qu'il veut être avant de le découvrir, de le vivre, de le ressentir. Le désert est imprévisible, insaisissable ». Il existe, il vit, bien au-delà de la volonté et de la compréhension des hommes. Elle sourit et répond : « Probablement comme son cousin du nord dont on décrit les foudres glaciales et terrifiantes... ». Songeuse elle demande : « Comment est-il ? ». Les terres glacées l'ont toujours fascinée et un peu effrayée probablement, elle si habituée aux chaleurs torrides des sables.

Nous voilà bientôt à parler de nos routes, de ma route. La mienne plus que la sienne qui est chez elle. Peut-être rentre-t-elle chez elle, dans une cabane, ou une hutte. Je ne me figure pas bien où vive les kelowniens. Le désert les décrit comme des animaux, alors longtemps j'ai imaginé des êtres se terrant dans des grottes ou sous des huttes de peaux. Mais les voyageurs ayant des connaissances de ce peuple ont parlé de cabanes en bois, parfois même en pierre, d'une certaine forme d'intelligence et de civilisation. Et cette femme semble attester de cela : l'œil vif, la peau pâle, la stature redressée, enfin quand elle n'est pas au sol. Peut-être bien que j'ai fait fausse route, surement même. Mais j'aime laisser mon esprit interpréter les mots du désert et le laisser s'amuser de mes hypothèses parfois farfelues. Alors je réponds : « Je l'ai appris oui... Une nouvelle ère, une nouvelle voie. La paix et l'harmonie pour un peuple de guerriers. Mais voilà plusieurs mois qu'elle a disparu, la paix n'était pas encore si palpable ». Peut-être pas, peut-être que si. Le vent m'a menée jusqu'ici, mais ce sont les mots des hommes qui ont décrit des guerriers du nord. Enfin, en réalité, ce sont les traces qu'ils ont laissées, si caractéristiques. Et je sais que ma sœur a probablement beaucoup souffert mais si elle était morte, je le saurais. « Danika est un peu plus pâle que moi, mais plus foncée que toi. Sa peau est dorée, comme un reflet du désert... Ses cheveux sont aussi noir que le plumage du corbeau et ses yeux foncés ont perdus leur lumière il y a plusieurs années ». J'ai souvent admiré la beauté de ma soeur, la beauté d'un rayon de soleil murmurant sur sa peau. J'ai souvent pleuré cette lumière disparue à la mort de Naveed. Naveed le disparu dont l'esprit n'est toujours pas revenu jusqu'à nous. Une étrange question qui demeure, certains le croient morts, d'autres le disent disparu. Et moi je demeure incertaine, impatiente qu'enfin la vie nous révèle la vérité.

Finalement, après une réponse aussi étrange que réconfortante, Muire lâche son bâton et s'approche pour m'étreindre. La chaleur est douce, la sensation est agréable, amicale, harmonieuse. Acceptation. Cela me fait étrangement du bien. Comme si après toutes ces années, je trouvais ma place. Je vois en elle quelqu'un qui peut me comprendre, m'entendre. A ma question, elle répond qu'elle ne doutait pas d'Uriah mais plutôt de moi et de l'imposture que j'aurais pu être. J'acquiesce un peu. Elle n'a pas tort, malheureusement. Elle articule mon prénom et je souris un peu alors qu'elle me questionne sur ce que je fais avec ces fleurs mais qu'elles ne sont pas terribles en cuisine. Je souris un peu et je lui dis : « J'imagine oui ». Je ris un peu et je reprends la parole : « Non, elles font merveilles dans un baume mais ne poussent pas sur nos terres, malheureusement. Elles ne semblent aimer que les neiges du nord, et je les comprends un peu, d'une certaine façon ». Je regarde les fleurs aller et venir suivant la symphonie du vent, si merveilleuse, si différente de celle qui me berce si souvent. Et je lui demande : « Peut-être pourrait-elle faire de bonnes infusions aussi pour ouvrir l'esprit ? ».

A la question que je lui retourne, la shamane kelownienne se contente de me dire que le désert du nord est froid. Je ris un peu, elle a au moins l'avantage d'être claire et précise, on ne peut pas lui reprocher de se perdre dans des explications mystérieuse ou trop abstraite. Mais je dois avouer que j'aurais aimé en apprendre un peu plus. Car pour ce qui est du froid, j'ai déjà pu m'en rendre compte par moi-même. J'acquiesce un peu. J'imagine que je n'aurais pas meilleures réponses que celle que je pourrais trouver moi-même, n'est-ce pas ? La conversation continue et me voilà à décrire Danika, à expliquer rapidement le contexte de sa disparition. Mais étonnamment, je l'entends me dire qu'elle aussi a envie de la chercher maintenant sur un ton triste. J'esquisse un léger sourire et je lui réponds : « Nous la trouverons quand il sera temps ». Après tout, si c'est sur Muire que je suis tombée aujourd'hui c'est qu'en réalité c'est vers elle que les esprits voulaient me mener. Pour le reste, je verrais plus tard. Chaque chose en son temps. « Nous avons probablement beaucoup de choses à apprendre aujourd'hui, ou à effleurer ». Apprendre, voir, toucher, effleurer, ressentir. Autant de choses que nous pourrons faire ensemble.

Nous voilà maintenant à parler des fleurs, et l'utilisation que j'en fais la surprend. Je lui souris un peu acquiesçant à sa question. Muire m'explique ensuite qu'elle s'en sert pour les morts, certains types de mort en couronne. Je suis surprise. Quelle utilité ce rituel peut-il avoir ? Je penche un peu la tête et sourit lorsqu'elle dit qu'elle ne voit pas comment faire un baume avec ces fleurs. Alors à son tour, elle dit que nous avons pleins de choses à nous dire, mais interroge le commencement. C'est toujours difficile de trouver comment commencer. Mais ces fleurs sont un bon début il me semble. Alors je demande : « Une couronne de fleur ? A quoi doivent-elles servir ? ». Ce rituel m'est étranger mais j'aime toujours autant apprendre. A mon tour j'explique : « Je broie ces fleurs et je les mélange à l'huile d'une autre plante ainsi qu'à du thym et un peu de miel pour la cicatrisation ». Je souris un peu avant de faire quelques pas dans la neige observant les choses autour de moi.

Je me tourne finalement un peu vers elle en demandant : « Me ferais-tu l’honneur de me faire visiter un peu ? ». Après tout, tout est plus simple avec un guide. J’aimerais voir le monde avec ses yeux, comprendre un peu comment elle perçoit les choses, comment elle appréhende son environnement. Je suis vraiment curieuse de la comprendre, de la connaître. Ganesh pour sa part sautille dans la neige, s’amusant des gerbes qu’elle provoque avec ses sabots. Je souris un peu avant de reposer mon regard sur Muire.  

Tout comme moi, Muire est étrange. En partie ici, en partie ailleurs. Les éléments tournoient autour d'elle. Cette légère brise qui s'enroule autour d'elle est chaude, agréable lorsqu'elle vient s'égarer autour de moi. Positive. Elle donne envie d'en apprendre plus. Sur elle, sur ses croyances, sur ses pratiques et sur son clan. Surtout sur son clan. Je dois bien l'avouer les terres du nord me fascine. Emplies de monstres et de fantasmes effrayants, j'ai bien envie d'en découvrir plus sur ces terres mystérieuses qui m'ont souvent poussée à me questionner. Aujourd'hui j'y suis. Là, au milieu de la neige, avec des vêtements à peine assez chauds pour survivre très longtemps. Elle sourit et reste en partie silencieuse face aux « mh » de la chamane du nord. Tant de possibilités, difficile de se décider à quoi faire, quoi questionner.

Mais la conversation se poursuit, sur ces petites fleurs, merveilles de la nature qui nous permettent de nous soigner. Ainsi, la Terre revêt de bien nombreux aspects dangereux pour nous mais parfois se parent de douceur et de soins, petites attentions pour nous comme un premier pas vers un possible vivre ensemble, une possible harmonie. Je lui explique donc que j'en fais un baume. A ma question sur l'utilité de la couronne, elle me répond et sa réponse me tire un léger sourire. Effectivement, cela ressemble un peu aux vieilles offrandes grecques, ces pièces déposées sur les yeux des défunts pour qu'ils puissent payer le passeur et rejoindre le royaume d'Hadès. « La transition n'est déjà pas facile, autant essayer de la rendre plus agréable en effet... ». Il y a souvent un état de confusion entre une vie et la suivante ce qui rend plus floue la lecture des présages et plus difficile le discernement des voix. Peut-être pourrais-je essayer d'ajouter une couronne pour nos prochains rites funéraires, afin de voir si cela change quelque chose. Je souris alors qu'elle répète une partie de mes paroles avant de poser une question. Je l'écoute et Je ris un peu en lui disant : « C'est assez difficile de trouver de la salive de grand cerf blanc chez nous... J'arrive parfois à en trouver, mais le miel et le thym sont plus faciles à récupérer ». Je souris un peu, appréciant de parler de ça avec elle. Et je rajoute : « Et pour l'odeur, j'utilise de l'essence d’hibiscus ». Une plante que je trouve assez facilement.

Lorsque je lui demande de me faire visiter les environs pour éviter de trop me perdre, elle me propose de la retrouver dans sa tente, à Brinim. L'une des villes, celle au milieu de la forêt, d'après tout ce que j'ai pu apprendre avant de franchir la frontière. Elle pointe la direction et j'observe avec attention pour être sûre de la trouver. Puis, elle poursuit. Un refuge et une boisson chaude, en me précisant que je risque de geler sur place. Cela me tire un léger rire. Elle n'a pas totalement tort, et j'apprécie grandement sa proposition ainsi que son conseil. Je veillerais sur Ganesh pour être sûre qu'elle ne se fasse pas dévorer. Je réponds : « Merci... ». Et déjà, la voilà qui s'éloigne, en criant qu'elle n'est déjà plus là. Je la suis des yeux, en souriant un peu. Je secoue la tête, curieuse et impatiente d'en apprendre plus sur elle. Mais avant de prendre la route de Brinim, je me penche pour cueillir quelques fleurs et récupérer quelques racines dans l'espoir de pouvoir en replanter quelques-unes sur les terres orketa, moins arides que les nôtres et plus facilement accessibles.