Des éclats de voix firent tourner brusquement la tête à Nukka en direction de la provenance des voix. Chaque membre du groupe alla de sa petite théorie concernant les voix qui leurs parvenaient. Un autre groupe de chasseurs ? Les auteurs du crime dont ils avaient été témoins ? Une chose était sûre en tout cas, ce n'était pas en restant plantés là qu'ils allaient avoir des réponses à leurs questions. Une nouvelle fois, c'était Yahto qui ouvrait la route mais Nukka émit un petit son similaire à un sifflement et le loup fit demi-tour pour se mettre à marcher à ses côtés. Si les voix appartenaient à d'autres personnes qu'à des chasseurs, Nukka préférait avoir Yahto près d'elle. Visiblement, l'animal symbolique d'Orketa était une cible.
Nukka continuait donc sa progression, elle était en tête du groupe et avait une main posée sur le pommeau de son épée, prête à la dégainer. Elle prenait grand soin de ne pas marcher sur une branche sèche au sol pour signaler leur position. Encore quelques mètres et ils arriveraient au niveau du sentier d'où provenait les éclats de voix.

Noomie enrage à l’intérieur et peut-être que si elle avait été seule à cet instant là elle aurait crié dans les bois en demandant à l’auteur de ce crime de se montrer. Elle se fiche de savoir qui a fait cela, il ne mérite clairement pas de s’en sortir indemne pour ses actes, qu’il fasse partie de l’Alliance ou non d’ailleurs. Elle relève la tête aux paroles de Nukka et acquiesce, c’est une provocation qui leur est destinée, pour attirer leur attention. Et ça fonctionne. Noomie se relève à son tour et pose son regard sur le cadavre de loup à ses pieds, se disant qu’ils devraient prendre un peu de temps pour s’occuper de cela avant de reprendre la route.

Mais elle n’a pas le temps de proposer l’idée que Yahto grogne dans une autre direction. Des éclats de voix se fond entendre et Noomie récupère son arc ainsi qu’une flèche. Bien meilleure au tir à l’arc qu’à l’épée, elle encoche sa flèche et suit sa chef de clan à travers les bois. Malgré ce qu’en pense la garde Pankara, les cris sont des signes d’appel à l’aide et il est hors de question qu’ils restent là sans rien faire. D’ailleurs Nukka a pris la tête du petit groupe, Yahto sur ses talons, mais Noomie la dépasse bien rapidement pour se mettre devant elle, lui jetant un œil par la même occasion. Si la brune pense qu’elle peut se mettre en avant, face à un éventuel danger, elle se met le doigt dans l’œil car Noomie préfèrera de loin se prendre une flèche que de la voir être blessée. Il est hors de question qu’elle abandonne son poste comme elle a dû le faire à la fête de l’Alliance.

Akeela tient sa flèche prête sur son arc et attend que Kalevi lui donne une occasion de tirer en se décalant légèrement. Elle ne souhaite pas le blesser et attendra le bon moment pour relâcher sa flèche et tenter d’atteindre l’animal. Quand l’homme lui en donne enfin l’occasion, elle tire sa flèche mais n’attend pas de voir où celle-ci se loge avant d’en sortir une autre. Mais elle se contente juste de la placer sur la corde et tourne la tête vers Elyris qui se trouve un peu plus loin et qui semble avoir entendu quelque chose dans les bois. Quelque chose qui l’inquiète suffisamment pour avoir levé son arme à son tour et pour scruter les buissons devant elle, le dos tourné à tout ce qu’il se passe à côté. Avec le bruit des vautours et de ses camarades, Akeela n’entend pas grand-chose mais si la jeune femme s’est éloignée de quelques pas ainsi, c’est qu’il y a quelque chose dans les bois qui attire son attention. Alors Akeela se décale de quelques pas et délaisse les vautours, le cerf dépecé et les hommes qui l’accompagnent pour se rapprocher d’Elyris, son arc baissé mais sa flèche prête à être tirée au cas-où. « Tu as vu quelque chose ? » Elle parle à voix basse, à quelques pas de la jeune femme.

Noomie s’avance, son arc levé et sa flèche prête à se planter dans le premier ennemi qui passera à proximité. Ennemi, braconnier ou même ami qui aurait pu faire ça à ce pauvre animal, Noomie s’en fiche éperdument de planter sa flèche dans un corps inconnu. L’attaque sur le loup est clairement une déclaration hostile à l’attention de son clan et la jeune femme ne laissera pas passer une telle chose. Elle enrage et se concentre sur ce qu’elle aperçoit à travers le feuillage, jusqu’à ce qu’elle distingue un visage connu qui n’a rien d’hostile. Du moins Noomie est persuadée que ce n’est pas Kalevi qui a pu faire du mal à ce loup, encore moins l’Ipa qui se trouve juste derrière lui. Alors elle baisse légèrement son arc et détend sa corde tout en fronçant les sourcils.

Ils ne devraient pas se trouver ici tous les deux, encore moins les personnes qui les accompagnent puisque leur groupe a pris une direction tout à fait différente de la leur. Et même si elle sait que son propre groupe a changé de direction à un certain moment, il est étrange qu’ils se retrouvent tous de cette façon. D’un œil, Noomie avise le cadavre de cerf qui se trouve un peu plus loin puis reporte son attention sur Kalevi qui vient de lui poser une question. « Nous avons trouvé un loup, mort. Et rien dans sa mort n’était naturel. » Elle traverse alors les buissons pour s’approcher de lui, restant tout de même légèrement sur ses gardes. Elle ne connait pas l’autre fille qui tient un arc et même si elle a déjà croisé le chemin de Ménélas à de nombreuses reprises, elle reste toutefois prudente. « Il y a quelqu’un dans ces bois, quelqu’un qui veut nous faire passer un message. » Quelqu’un qui sait pertinemment comment envoyer un message au clan Orketa.

Nukka ne fait pas long feu à marcher en tête du groupe, rapidement une rouquine la dépasse en lui lançant un regard en biais. Leurs regards se croisent, quelques instants avant que Noomie ne passe réellement devant Nukka. La brune lève les yeux en ciel et souffle silencieusement, Noomie la surprotège mais elle sait qu'elle veut simplement faire son boulot alors c'est sûrement pour ça que Nukka ne dit jamais trop rien.
Le groupe fait encore quelques mètres dans la forêt avant de tomber nez à nez avec un autre groupe. Un groupe dont les visages ne leurs sont pas inconnus. Kalevi, Akeela, Ménélas et même Elyris en font partit. Nukka ne prend pas forcément le temps de détailler tout les visages mais ses sourcils se froncent. Yahto s'avance vers Akeela et il vient lui lécher la main comme pour la saluer silencieusement. Les prunelles vertes de Nukka scrutent les alentours avant de venir se poser sur la carcasse du malheureux cerf. Elle a toujours sa main posé sur le pommeau de son épée, prête à la dégainer.

- Tout le monde va bien de votre côté ?

Il était hors de question pour Nukka que quelque chose arrive sous son commandement dans ces bois. Elle s'en voudrait si il devait arriver malheur à quelqu'un lors d'un événement tel que la chasse sur les terres Orketa. Quelqu'un voulait les faire tourner en bourrique dans les bois mais perdre deux Orketa en plein forêt comme Noomie et Nukka n'allait pas être facile.

Voilà qu’ils y étaient ! Katania l’avait enfin annoncé, les Kadaaris allaient faire leur première rencontre avec les grands de l’Alliance ! Et cette rencontre promettait d’être houleuse ! Si l’empoisonneuse avait bien compris, les Orketas avaient une sorte de rituel annuel, une chasse au cerf, en d’autres termes ils seraient de cibles parfaites pour peu qu’ils tombent dans les quelques pièges tendus par les nomades. Alors Niamh s’était grandement mise à contribution, délivrant maints et maints poisons pour sacrifier quelques bêtes qui serviraient d’appâts. A priori, ce furent les loups qui rencontrèrent le plus franc succès, pas étonnant quand on sait que le peuple de Nukka les portait dans leur cœur. De son côté, l’empoisonneuse s’était bien sûr préparée, bien différemment que les guerriers, certes, mais elle n’en était pas moins dangereuse avec sa sarbacane et ses fléchettes qu’elle avait trempées dans toutes sortes de mixture, plus ou moins létales.

Elle fut conviée dans le groupe que menait Katania, la suivant vaguement mais préférant largement se balader dans les plantes en sifflotant comme si la tension de guerre ne l’atteignait absolument pas. D’ailleurs surement qu’elle ne l’atteignait pas. Niamh n’avait plus tout sa tête, et ce depuis longtemps. Finalement une sentinelle vint les avertir que non seulement leur piège avait été découvert, mais qu’en plus les deux groupes de chasse s’y étaient retrouvés ! Chic ! se dit la femme tout en arrêtant sa chanson macabre pour écouter ce que le Kadaari avait à dire de plus. Quoiqu’il ait dit, la chef jugea qu’il était temps de passer aux choses sérieuses, menant son clan vers le groupe de chasseurs. Niamh approuva à hautes voix, surement la plus euphorique de tous à l’idée de livrer bataille.

Les Kadaaris avaient à présent encerclé le groupe et sans qu’ils ne le sachent, tous les arcs des nomades étaient pointés sur les chasseurs. Katania s’approcha de Niamh et lui lança :

- Si tu as envie de tester de nouveaux mélanges, je crois que c’est l’occasion. Mais laissons en quelques-uns en vie, qu’ils puissent raconter ce qu’ils auront vus…

L’empoisonneuse lança une œillade entendue à la chef. Bien que voir tous ces gentils petits lapins tomber un par un comme des mouches sous l’effet du venin de crotale étaient une perspective qui faisait briller ses yeux, les ordres de Katania seraient respectés. Il en restera bien un ou deux… réfléchit Niamh tout en chargeant d’une première fléchette sa sarbacane.

Katania lança quelques autres commandes aux membres avant de se hisser en haut d’un arbre. Nullement alerté par l’excitation qui commençait à percer dans le groupe, Niamh avait recommencé à pousser la chansonnette tout en préparant quelques fléchettes au cas où les choses s’accélèreraient. Mais son regard fut attiré par l’un des Kadaaris, un colosse qui portait un loup mort,  l’homme avec une aisance assez déconcertante arracha la tête de l’animal et sortit de sa cachette pour la balancer vers les chasseurs. Pour la première fois Niamh les voyaient, ils n’étaient pas très nombreux, légèrement décevants. Parmi eux se cachaient donc les chefs de l’Alliance ? Ou s’étaient-ils trompés ?

- Je pense que ceci était à vous… Il avait faim, mais j’étais le plus affamé de nous deux…

Niamh reporta son attention sur le guerrier et s’esclaffa d’un rire malsain et incohérent avec le silence qui rongeait les lieux. Elle s’avança d’une démarche glauque pour s’approcher du guerrier et se mettre à son niveau. Posant une main sur son épaule d’où coulait un peu de sang qu’il s’était mis sur le visage, elle déclara, reprenant un peu son souffle :

- Il est drôle n’est-ce pas ?

Et puis si ces idiots ne comprenaient pas l’humour, elle n’y était pour rien…

HRP:

Le silence retomba une fois que Nukka eut posé sa question à l'adresse du groupe. Ils se passèrent quelques secondes ou quelques minutes ? Nukka ne savait pas vraiment, elle n'avait pas fait attention au temps qui passait jusqu'à présent. Ménélas avait dit quelques choses juste avant qu'un bruit attire l'attention de la brune. Le bruit de quelque chose qui roule sur les feuilles mortes de la forêt, les sourcils de Nukka se froncent tandis qu'elle se tourne en direction du bruit. Ses prunelles vertes mettent quelques secondes de plus à capter le mouvement au sol : Une forme sombre roule et s'arrête à seulement quelques centimètres de ses pieds. Une tête de loup. Une tête sanguinolente de loup. Le grognement de Yahto couvre pratiquement le grognement presque animal qu'émet Nukka lorsqu'elle remarque la présence d'un homme. Un homme couvert de sang. L'homme se vante d'avoir tuer le loup et Nukka reste là, immobile ou presque. Nukka n'a pas pour habitude d'agir de manière impulsive, habituellement elle prend le temps de réfléchir. Elle prend le temps de ne pas faire n'importe quoi, c'est sûrement grace à ça qu'elle a survécut durant toutes ces années à la tête d'Orketa. C'est sûrement pour ça que, jusqu'à présent, le clan se porte bien. Mais, aujourd'hui, on la provoque. On la provoque sur ses terres et le côté fougueux qu'elle avait lorsqu'elle était plus jeune revient au grand galop. Puis une silhouette féminine s'avance, elle s'esclaffe elle aussi. Sans réfléchir et sans même consulter son entourage d'un regard, Nukka dégaine immédiatement son épée et fait un pas dans la direction des deux nouveaux arrivants. Qui sont-ils ? Comment osent-ils venir les provoquer ici ? Sur leur terre ? Des tueurs de loup ? Sont-ils des Orketa ? Elle va les punir. Elle va les punir et faire d'eux un exemple, ici et maintenant. Les doigts de la jeune femme se resserre autour du pommeau de son épée, elle est prête à se jeter sur eux.

Akeela baisse son arme en voyant la chef de la garde personnelle de Nukka sortir des buissons, suivie par son groupe de chasse. La question que lui pose Kalevi et la réponse qu’elle lui donne font froncer les sourcils d’Akeela qui observe les bois aux alentours, cherchant quelque chose d’anormal. Mais il ne lui faut pas plus de quelques secondes pour avoir la preuve qu’il y a bien quelque chose d’étrange par ici. Un homme vient de sortir des fourrés en lançant la tête décapitée d’un loup, la faisant rouler jusqu’à leurs pieds. D’un geste, Akeela relève son arc, sa flèche prête à être décochée au moindre mouvement de l’homme. Tous ceux de son groupe de chasse sont sur leurs gardes, elle voit Nukka dégainer son épée et Augias sortir son arme à son tour.

Elle observe les deux étrangers, l’homme puis la femme qui n’a pas l’air d’être très normale. Ils ne viennent clairement pas du clan mais ne semble pas non plus appartenir à la dissidence, vu la légèreté de leurs vêtements. Alors Akeela comprend qu’ils doivent venir de l’est, qu’ils font sans doute partie de ceux qui s’en prennent aux frontières Orketa et Sengoli depuis quelques temps et que les éclaireurs ont découvert récemment. Mais ils ont avancé bien trop loin dans les terres Orketa et leurs actes sont allés bien au-delà de quelques attaques de frontières. Elle observe les étrangers et garde son arc levé, prête à décocher la flèche qui s’y trouve directement dans le corps de l’homme si nécessaire.

Sans grande surprise, toute la petite troupe d’Alliancieux se montrèrent hostiles à Niamh et son cher camarade. Bon visiblement l’humour n’était pas leur fort… Quel dommage… Ils ne savent pas ce qu’ils manquent. Les uns, après les autres, ils dégainèrent épées et armèrent leurs arcs. Quel accueil chaleureux... Un sourire, aux lèvres, Niamh lança à l’une des femmes dont l’arc était pointé vers le guerrier de l’Est.

– Oh ma chérie… Tu crois nous faire peur avec ton tout petit arc ?

Elle s’esclaffa, dévoilant sa dentition miteuse avant de se tourner vers les buissons dont elle était sortie et où elle savait tous les Kadaaris planqués, arc à la main et prêt à les tuer comme des mouches.

Après avoir chacun fait leurs messes basses, comme si les deux Kadaaris n’étaient pas là, au plus grand courroux de l’empoisonneuse, un des hommes, visiblement entraîné au combat mais clairement pitoyable face au colosse Kadaari leur demanda qui ils étaient. Ô Niamh se serait donné un plaisir de leur répondre de cette manière dont elle avait le secret mais ce fut Katania qui s’offrit se privilège. Un peu déçue, l’empoisonneuse regarda la chef descendre de son arbre et concentrer tous les regards et toutes les armes vers elle. Beau discours, se dit la folle mais il manquait tout de même un petit côté funeste. Sentant son tour arrivé, Niamh s’exclama :

– Et les autres on vous tuera tous… Les yeux brillant, elle les regarda avec cette folie qui lui était propre, comme s'ils n'étaient qu'un troupeau de moutons prêt à être dévorés par le loup qu'elle était.