Prendre en chasse des proies qui n'en sont pas [Pv : Nukka]

Accroupi devant les traces discrètes, le Kelownien prend le temps avant de se prononcer. Il ne voudrait pas indiquer une fausse piste ni prendre la mauvaise direction et ainsi contrarier tout le groupe. Les quatre éclaireurs que nous sommes arpentent ce coin de forêt depuis deux jours sans y avoir croisé âme qui vive.
J'attends en silence, feignant la patience, mais comme les autres j'ai hâte que la chasse commence.

" Ils sont allés par là. Ils ne sont pas très nombreux mais.. ils ont l'air assez bien équipés. Des Orketas."

Finit-il par dire sans que cela ne nous surprenne. La nouvelle Ipa, gamine, est l'une d'entre eux. Ça doit pulluler par ici et les sourires sadiques qui s'étirent sur nos lèvres ne laissent pas de doute : nous n'auront aucun remords à attaquer.
C'est bien pour ça qu'on nous a envoyé ici. Repérer, violenter, dérober. Tout ce qui pourrait nuire à cette stupide alliance. Honnêtement je redoute surtout que la coalition entre quatre clans ne mette en danger le nôtre, Kelowna.

Nukka & Malöan

~.

Nous suivons les traces sans grandes difficultés et c'est la première chose qui éveille ma prudence. Ces gens n'ont pas cherché à être discrets. Ils sont sûrs d'eux, sereins, probablement forts. Ce serait bien de les surprendre et de leur faire payer cet affront ;

La nuit vient de tomber et nous approchons enfin du petit groupe. Un feu crépite calmement au centre des guerriers. Nous repérons les armes, les vivres et notre appétit - d'aliment et d'agressivité - s'embrase aussitôt.

Je lance un regard amusé à mes camarades :

" On y va. Bonne chance à tous, et ce dont tu t'empares est tien ! "

Dis-je au nom de notre clan et m'élance vers la sentinelle. Sans chercher à étouffer mes pas de course, je le vois se relever et dégainer sa large épée. Je lui arrive dessus comme un boulet de canon, déviant sa garde d'un coup d'épaule pour fourrer mon couteau dans son mollet ;

Je relève la tête l'espace d'une seconde et constate que le calme qui planait s'est définitivement envolé. Des cris de douleur, des bruits de lames, des ordres... je devine une voix de femme et cherche ladite personne. Partagé entre appréhension et fierté, j'achève mon adversaire en l'égorgeant et m'enfonce un peu plus dans la mêlée.

Laëth sera contente si on ramène quelqu'un d'important ;

4 ans que Nukka est à la tête du clan. Du haut de ses 19 ans, elle a déjà pris un grand nombre de mesure pour la prospérité du clan mais si il y a bien une chose qui lui résiste, ce sont les raids menés par les Kelowniens aux frontières avec Orketa. Le conseil a bien essayé de la dissuader de cette expédition aux frontières, même Gabriel, le chef de la garde s'est permis de tenter de lui prendre tête. Mais Nukka est quelqu'un de borné et lorsqu'elle a une idée, il faut s'armer de patience pour la lui retirer de la tête. Le groupe a chevaucher toute la journée au niveau de la frontière avec Kelowna. Ils sont passé dans quelques villages mais, une fois la nuit tombé, le groupe avait décidé d'installer un campement pour passer la nuit. Nukka était accompagné d'une petite quinzaine d'hommes qui lui avaient été imposé par le conseil. Parmi ces hommes figuraient 5 membres de sa garde rapprochée. Ils étaient d'excellents guerriers à qui Nukka aurait confié sa vie sans hésiter.
Les prunelles vertes de Nukka étaient rivées sur le feu qui dansait lorsque des bruits attirèrent son attention et celle des hommes qui l'accompagnaient. Il lui fallut quelques secondes et un hurlement étouffé pour comprendre ce qu'il se passait.

- AUX ARMES ! NOUS SOMMES ATTAQUES ! RASSEMBLEZ-VOUS, NE VOUS DISPERSEZ PAS !

Avant de s'affoler, il fallait déterminer à combien d'assaillants ils devaient faire face. Nukka empoigna son épée, heureusement elle la gardait toujours à proximité, qu'elle sortit de son fourreau. Un homme tenta de se jeter sur elle mais la jeune femme l'évita habilement avant de répliquer immédiatement et de lui trancher la gorge sans sourciller. Elle n'était pas du genre à hésiter lorsqu'il fallait arracher une vie sur le champ de bataille.

Ils sont beaucoup plus nombreux que nous. Dans le feu de l'action je peine à compter correctement, mais j'estime leur nombre à trois fois le nôtre.
Cette supériorité numérique ne m'a pas affolé. Nous les avons vu, près de leur feu de camp, nous savions à quoi nous en tenir. Le problème c'est qu'ils s'avèrent plus coriaces que prévu. Seuls quelques cris ont retentis mais je le sais déjà : ça s'annonce compliqué. D'ordinaire, durant ce même laps de temps, nous aurions trucidé la moitié et fait prisonnier la seconde - en supposant qu'on ait envie de laisser des survivants.

Ce soir, c'est plus compliqué. Les gestes de mes camarades sont déjà larges et douloureux. Ils ne sont pas suffisamment vigilants et l'un d'eux à même une sévère entaille en travers du torse. La douleur et la colère lui font perdre ses moyens. S'il abat deux hommes d'un excellent revers d'épée, je le vois s'écrouler à genou, transpercé de part en part.
Je déglutis mais me focalise sur mon propre combat.

Nukka & Malöan

~.

D'un coup sec je bloque l'offensive qui me prend par la droite. Une lance affutée a tenté de me cribler. Je la repousse et envois un violent coup de coude dans le nez de son propriétaire. Le craquement est étouffé par son hurlement et j'enchaine avec une droite qui lui éclate la mâchoire. Tandis qu'il tombe, deux soldats m'encerclent et assènent tour à tour les coups d'épée. Mes parades restent efficaces et me permettent d'être indemne, mais pendant combien de temps ?

Alors que je tiens mes ennemis à distance, j'aperçois la femme. Une gamine. Je ne connais pas son visage mais les choses se mettent en place : c'est son escorte ! Elle doit être une figure importante, aussi, je redouble d'intensité et tue l'un des types en même temps qu'elle achève un ami.

" Tiens bon ! "

Dis-je au dernier Kelownien à mes côtés. Nous nous rapprochons et tenons les ennemis en respect, dos à dos. Pourtant ils sont encore trop nombreux.
Une lame me fend l'épaule et je tranche la main du responsable mais accuse aussitôt un coup de pied dans le genou. Je titube et recule, conscient que nous les avons sous-estimé...

Est-ce qu'on va se faire abattre ainsi ? Tués par des vulgaires pions au service d'une femme ? Je me battrai jusqu'au bout ; mais mort, je ne rends pas service aux miens.

Le bruit des épées qui s'entrechoquent et les hurlements de ceux qui se font transpercer par le métal froid retentissent encore quelques instants dans la forêt. Finalement, le calme revient aussi soudainement que le combat à éclaté. Ils ne sont plus que deux, encerclés par les hommes de Nukka qui sont tout de même tenus en respect par les deux hommes. Visiblement de bon guerriers. Nukka plisse les yeux tandis qu'elle essuie la lame de son épée sur un pan de sa tunique avant de la rengainer dans son fourreau. La brune tourne autour du groupe, elle observe les deux guerriers qui sont à bout de souffle.

- Vous êtes des kelowniens ?

A en juger par leur accoutrement, ils étaient très probablement de Kelowna. La frontière était à seulement quelques kilomètres après tout. La jeune femme passa ses mains dans son dos, son visage était de nouveau serein tandis qu'elle scrutait les hommes. Seulement quelques tâches de sang sur son visage de jeune adulte venaient trahir le fait qu'elle avait tué récemment.

- Vous savez que vous êtes ici en territoire Orketa ? Vous n'êtes pas les bienvenus par ici si c'est pour piller et tuer.

La clémence de Nukka a l'égard de certains kelowniens était déjà connu dans tout le clan. Elle n'aimait pas exécuter des hommes et femmes sans raison. La paix devait aller dans les deux sens et, même si la le chemin était encore long, Nukka espérait un jour pouvoir signer un pacte de paix avec Kelowna. Elle continuait de tourner autour du groupe en attendant une réponse de la part des deux kelowniens.

Comme après chaque combat, l'adrénaline retombe. Le pouls qui bat la chamade a besoin de quelques minutes supplémentaires pour retrouver un rythme normal tandis que mon souffle s'apaise. Mes muscles tendus restent quant à eux sur le qui-vive, prêts à animer une fois de plus l'épée qui défendra ma vie.
Mais mes yeux comprennent vite que le tableau qui se déroule n'est autre que celui de la défaite.

Mes hommes, ou plutôt leurs cadavres, jonchent le sol. Ils ont tous rendus leur dernier souffle. Tous sauf un. Je déglutis. Déçu, contrarié, inquiet. Nos adversaires ont été meilleurs, ils auraient le droit de nous abattre. Surtout que nous sommes responsables de ce carnage.

La voix féminine repérée plus tôt reprend la parole et je pose sur elle un regard à la fois haineux et attentif.

Nukka & Malöan

~.

- Vous êtes des kelowniens ? [...]Vous savez que vous êtes ici en territoire Orketa ? Vous n'êtes pas les bienvenus par ici si c'est pour piller et tuer.

" ... Que faites vous si proches de nos terres ?"

Bien sûr, je n'ai pas à poser de questions. Je ne suis pas en mesure d'interroger ni d'exiger quoique ce soit. De plus, la jeune femme a raison : nous ne sommes pas sur notre territoire et la violence n'est attendue nulle part ;
Je m'entête.

" Rien ne nous assure que vous n'êtes pas ici pour piller et tuer également. "

Mais ils seraient davantage dans leur droit s'ils cherchaient à supprimer les ennemis présents chez eux.

Ma colère est indéniable et elle se répand jusqu'à mon compatriote. J'ai à peine le temps de le voir commencer son geste pour se jeter sur la femme qu'un des gardes du corps l'immobilise d'un violent coup. D'où je suis je ne vois pas si la parade fut mortelle ou non. Je prends sur moi - pour ne pas subir le même sort.

Si elle ne me tue pas, que compte-t-elle faire de moi ?

A peine Nukka a t-elle posé une question sur la provenance des assaillants qu'un des homme prend la parole. Il lui répond sans hésitation. Cet homme était-il le leader de ce petit groupe ? Probablement, parce qu'il était le seul à oser prendre la parole. Nukka plissa les yeux à la réponse de l'homme. Ils étaient trop proche de leurs terres ? La frontière était à quelques kilomètres au nord d'ici, autant dire que Nukka et ses hommes étaient parfaitement en droit de se trouver ici.

- Proche ou pas de vos terres, vous êtes ici sur nos terres. Alors vous feriez mieux de garder votre langue dans votre poche si vous ne voulez pas l'égarer.

Du haut de ses 19 ans, Nukka n'avait pas pour habitude de se laisser impressionner. Peu lui importer la carrure, l'âge ou même le sexe de son interlocuteur. Elle était la chef du clan Orketa, elle n'avait pas à craindre les étrangers et encore moins des kelowniens qui s'aventurent illégalement sur ses terres. Encore une fois, l'homme semble avoir réponse à tout. L'ombre d'un sourire passe sur les lèvres de Nukka lorsque l'homme affirme qu'elle est peut-être ici pour piller et tuer également. Elle secoue alors négativement la tête tout en continuant de faire les cents pas autour du cercle de garde au milieu duquel se trouvent les deux kelowniens.

- Pourquoi est-ce que je prendrais la peine de piller mon propre clan et de tuer les habitants que je m'efforce de protéger ?

La réponse de l'homme n'a pas le temps d'arriver que son compagnon se lève brusquement. Il tente de se jeter sur Nukka mais il a tout juste le temps de faire quelques pas qu'un garde l'intercepte. L'homme est immobilisé, le garde le maintiens par la nuque, prêt à lui briser les cervicales au moindre signe de Nukka. La brune pose ses prunelles vertes sur le kelownien immobilisé avant de reporter son attention sur son chef.

- J'ai l'impression que vous n'avez pas bien compris dans quelle situation vous vous trouvez actuellement.

- - Pourquoi est-ce que je prendrais la peine de piller mon propre clan et de tuer les habitants que je m'efforce de protéger ?.

Bonne question. Mais je n'étais pas certains que cette femme et son groupe soient sur leurs terres. Au moins je sais désormais plus ou moins à qui j'ai affaire. Et ça me déplait ;

L'autorité naturelle et indéniable qui émane de la jeune adulte est stupéfiante. Ça mérite au moins le respect. Je me demande si elle fait preuve d'autant d'indulgence et de sagesse. Car honnêtement si j'arrête des pilleurs sur mon territoire... peu de chance pour que je leur laisse la vie sauve.
Que fera-t-elle ?

Nukka & Malöan

~.

Aux gestes de mon camarade je ne peux que grimacer d'appréhension. Aucune envie de me retrouver seul. Perdre tous ces hommes est déjà émotionnellement difficile et puis, égoïstement, je préfère ne pas subir la captivité sans partenaire.

La miss continue de fanfaronner alors que les arguments me manquent. Elle a les cartes en main, je ne vois pas comment m'en tirer. Je ne négocierai pas avec l'ennemi.
Soit nous sommes morts.
Soit... elle va nous trouver une utilité. Après tout, la main d’œuvre est rare et certains travaux difficiles sont souvent imposés à des prisonniers. C'est de l'économie d'énergie pour les troupes, du gain de temps aussi.

" Si si... rassurez-vous, je commence à comprendre le pétrin dans lequel nous sommes."

Je ne fais pas le fier. J'attendrai la bonne occasion pour m'évader à moins qu'on m'égorge avant.

" Êtes-vous le genre gamine sanguinaire ? "

Quitte à mourir aujourd'hui, j'ai le droit de savoir.