Méprise et confusion. [Pv : Valla]

Méprise et confusion

an 150, 8eme mois

Valla était campée sur ses appuis et s’efforçait de ne pas quitter l’homme des yeux. Elle ne voulait pas se faire avoir, elle avait promis au père.
Visiblement, son vis-à-vis ne s’était pas attendu à un interrogatoire. Il ne s’attendait tout de même pas à ce qu’elle le laisse repartir sans lui poser des questions, non ?! Elle n’était pas non plus en mesure de le ramener à la Caravane. Gérer seule un prisonnier - comment on fait un prisonnier, d’abord ? - n’était pas vraiment dans ses compétences. D’ailleurs, lui-même le disait : elle n’impressionnait pas vraiment. Elle fit une petite grimace en réponse à la remarque de l’intrus.

Apprendre son nom et sa fonction lui fit hausser les sourcils.
« Tu n'as pas vraiment l’air d’être du coin… » Evidemment, il pouvait raconter n’importe quoi pour sauver sa peau, et le fait était qu’il n’avait pas du tout le type askhadi. S’il était né dans la plaine, elle, elle était danseuse de tripot !
Et puis il lui retourna sa question. A nouveau, elle fronça les sourcils. Depuis quand ce sont les gens sous la menace d’un couteau qui posent les questions ? Est-ce qu’elle devait répondre ? Elle finit par ouvrir la bouche, mais rien n’en sortit. Son froncement de sourcils s’accentua : il était malade ou quoi, de se rapprocher de la sorte de la lame ?! Et puis sans crier gare - et pourquoi aurait-il prévenu, en même temps ? - et sans que Valla ne sut trop comment, ce Malöan l’avait empoignée et étalée par terre.
« Hey ! »
Elle tenta bien de se débattre, mais force était de constater qu’il l’immobilisait complètement, que ce soit les jambes ou les bras. Quand elle finit par se calmer un peu - mais toujours tendue comme un arc - elle prit conscience de la position dans laquelle ils se trouvaient… Et piqua un fard. A son grand désespoir - ce qui la fit rougir de plus belle : la situation n’avait rien d’un jeu, il pouvait ainsi disposer d’elle à son gré. Elle n’avait que trop conscience de la précarité de sa position et ne pouvait que prier Persephone que ce ne fut pas un gros porc kelownien ou une raclure sengoli.

Et puis il s’expliqua un peu. Il n’avait là aucune raison de lui mentir : elle était déjà à sa merci. Or le soulagement de savoir qu’il cherchait la même chose qu’elle fut tel qu’elle se mit à rire. Un peu nerveusement, un peu contente de ne pas devoir continuer ses investigations seule - l’idée qu’il puisse continuer de son côté ne l’effleura même pas.
Quand finalement elle se calma un peu, elle croisa à nouveau son regard. Leur position n’avait strictement pas changé - qui serait assez dingue pour libérer une folle qui le menaçait d’un couteau l’instant d’avant ? - mais Valla ne se sentait plus vraiment menacée.

« Tu saignes. Il faudrait soigner ca... » Fut la première chose qu’elle lui répondit. « Je m’appelle Valla. Les trois bêtes que tu cherches sont probablement celles de ma famille. Je les cherche aussi. En fait, on les cherche, parce que évidemment, je ne suis pas seule sur leur piste, mais on s’est séparé parce qu’il n’y avait pas de trace pour savoir dans quelle direction partir. Du coup, on est à peu près surs qu’elles ont été volées. Ce n’est peut être que trois bêtes, mais ce n’est pas rien. Et puis il y a un bon reproducteur, dans les trois. Du genre qu’on ne remplace pas comme ca, alors il faut qu’on les récupère. J’avais retrouvé leur piste avant que tu me tombes dessus et… BON SANG LACHE MOI ! DERRIERE ! »

Si elle voulait qu’il la lache, c’était surtout pour que lui puisse neutraliser les assaillants qu’elle voyait arriver derrière lui. Parce que, rendons-nous à l’évidence, Valla était gardienne de troupeau, pas combattante : prendre un homme seul par surprise et faire illusion, c’était une chose. Attaquer des hommes déterminés, c’en était une autre...

Méprise et confusion

an 150, 8eme mois

Le regard d’angoisse de Valla se mua vite en état de choc et souffle coupé quand Malöan l’enlaça pour la faire rouler hors de… hors de quoi, bonne question : elle n’avait pas vu de geste nécessitant un telle geste, et surtout, elle n’avait pas l’expérience du combat qu’avait Malöan. Elle n’imaginait donc pas de raison valable pour faire cela. En fait, il aurait pu aussi bien s’affubler d’une tunique verte à pois rose et courir dans Nisida avec des fleurs sur la tête, elle ne l’aurait pas trouvé plus étrange. Mais bon… Au moins avait-elle eu une impression de sécurité fugitive et surprenante. Déroutante. On y réfléchira plus tard…

Il lui fallu un petit temps pour reprendre ses esprits, temps qui suffit à Malöan pour se relever.
« Ouaou… » Eut-elle le temps de lâcher avant de réaliser que Malöan était en train de parler, et de saisir le sens de ses paroles. Ce qui lui fait pousser un gloussement totalement inapproprié à la situation, mais qui détourna l’attention du second assaillant. Valla dégaina son couteau et en se relevant, elle visa les genoux : un tendon sectionné, ca fait mal, et le bandit ne fit pas exception. Après le geste vif de la gardienne de troupeau, leur assaillant s’effondra au sol en braillant comme un veau. Et encore, nota Valla, un veau est plus agréable à entendre.

Valla se remit sur ses pieds et repoussa quelques mèches de cheveux folles qui lui volaient dans les yeux, avant de se tourner vers Malöan avec un sourire amusé.
« Je suis d’accord, ils sont franchement malpolis… » Elle était bien consciente qu’ils avaient de la chance, et Malöan ne pouvait pas encore être considéré comme totalement fiable, mais en attendant, et vu la situation, il était ce qu’elle avait de plus sûr dans les environs.
« Maintenant, je vais vous poser la question gentiment et poliment, et vous allez répondre, parce que vous êtes plus polis que ca, quand même. » Elle s’approcha du Boiteux, s’accroupissant pour être à sa hauteur. Son sourire l’avait quittée, et elle était bien décidée à avoir des réponses.
« Qu’avez-vous fait des bêtes ? Les trois beefalos que vous avez subtilisés ? Parce que vous comprenez, ce n’est pas à vous, il faut les rendre. On en a besoin pour vivre. Si vous en voulez, faut les payer. Ou travailler. Ca n’a jamais rendu personne malade, vous savez ? Bon maintenant que vous allez avoir du mal à marcher, ca risque d’être plus difficile. Et si vous avez vraiment volé nos bêtes, on va peut être vous confier à la milice, et vous allez passer du temps en prison, mais en sortant vous pourriez faire un truc plus utile. Et moins risqué. Parce que votre ami, je ne sais pas s’il s’en remettra, et vous allez rester marqué depuis longtemps… »
Elle s’était légèrement détournée pour regarder l’état du deuxième assaillant, et toute à son monologue, elle n’imaginait pas le moins du monde que Boiteux pouvait encore être dangereux. D’autant qu’elle en était vraiment proche...

Méprise et confusion

an 150, 8eme mois

Elle n’avait pas l’impression d’avoir trop parlé, ni d’avoir manqué d’attention. Quoique… Elle avait quelque peu omis la présence Maloän légèrement derrière elle. Aussi, lorsqu’il lui conseilla de se méfier fut-elle surprise - brièvement - avant de se rappeler sa préence. Elle tourna vivement la tête de son côté, les yeux légèrement plissés à cause du soleil.

« Hein ? » demanda-t-elle. Mais Maloän n’eut pas le temps de préciser le fond de sa pensée, le voleur le fit pour lui en lui sautant à la gorge. Littéralement.
Valla eut juste le temps d’émettre un bref cri avant que les mains de son agresseur ne se refermât sur sa gorge.
Etalée sur le dos, le poids de l’homme sur son corps, rien ne lui permettait de réagir. Sa seule possibilité fut d’attraper les poignets de Boiteux et de serrer fort, réflexe habituel dans ces situations. Evidemment, ce n’était pas cela qui allait la sortir de ce merdier.
Son coeur s’était emballé, comme pour compenser l’air qui ne rentrait plus. Sans parler de la terreur qui s’était emparée d’elle, sans commune mesure avec ce qu’elle avait pu connaitre dans sa vie jusque là. Jamais n'avait-elle été aussi proche de la perdre.
Elle perçut vaguement la lutte au dessus d’elle, mais sans en comprendre le déroulé, trop occupée à chercher l’air qui lui manquait. Jusqu’au moment où Boiteux l’écrasa de tout son poids, relâchant son emprise du même mouvement.
La respiration sifflante, la gorge en feu, elle se débattit maladroitement pour se dégager du corps sans vie étalé sur elle, et finit par trouver une main secourable pour la relever.
Fébrile, elle ne se redressa pas immédiatement. Une main pris appui sur sa cuisse, l’autre chercha l’appui de Maloän à l’aveugle, avant de lui prendre le bras. A peu prêt stabilisée, elle ferma les yeux et s’efforça de calmer les battements de son coeur, de retrouver un souffle plus régulier. Il fallut plusieurs minutes avant qu’elle ne soit capable de bouger.

Elle commença par ouvrir les yeux pour croiser le regard de Maloän. Elle n’avait pas vu ce qu’il s’était passé, mais ca ne faisait aucun doute qu’il venait de lui sauver la vie. C’était peut être un étranger, mais à cette minute, c’était clairement son meilleur ami. Et si elle ne se sentait pas encore à même de parler, son regard était éloquent : elle lui était profondément reconnaissante. Elle hocha brièvement la tête. Oui, ca allait. A peu près.
Elle finit par se redresser, et sans lâcher Maloän, elle porta l’autre main à sa gorge où les mains de Boiteux avait laissé une marque qui commençait à violacer du fait de l’hématome. C’était douloureux, et il faudrait quelques temps pour que les marques en disparaissent et que l’air recommence à entrer normalement dans sa cage thoracique. Mais pour l’instant, c’est une voix plus rauque qu’habituellement qui sortit :
« Merci. Le père va pas être content, je crois… » Elle finit par lâcher Maloän et finit un moulinet avec la même main. « Il m’arrive toujours des trucs. D’après lui, je ne suis pas assez prudente... » Elle roula des yeux avant de se fendre d’un sourire timide. Le choc était certes un peu passé, mais il était encore un peu tôt pour retrouver Valla dans toute sa splendeur.

Elle considéra les deux corps inertes.
« Et maintenant ? » Son regard parcouru les environs. « Ils ne sont pas apparus par volonté divine. Ils ont laissé des traces, tu crois ? » Elle revint à Maloän. Parler faisait mal, mais il n’était pas non plus question d’en rester là. Changer d'avis ? Pas trop son genre...