Malik&Ymir | Demons in your heart

Le silence s'était installé dans les rangs des guerriers qui avaient atteint le sommet d'une crête surplombant un paisible village. En contrebas vivaient plusieurs familles ayant fait l'erreur de choisir la paix et la protection de l'Alliance dont la frontière ne se trouvait qu'à quelques lieues de là, espérant ainsi échapper à toute la violence et la barbarie dont étaient capables les kelowniens. Mais c'était sans compter sur le caractère possessif de leur meneuse, Laëth, et sur le zèle et le professionnalisme du chef de guerre qui se tenait devant ses hommes.

On n'entendait que le vent sifflant sur les lames affûtées des glaives, des haches et des épées, faisant claquer les bannières rattachées aux quelques lances qui dépassaient au dessus de la troupe conséquente. Ce n'était plus qu'une question de temps avant que les kelowniens ne s'en prennent à leurs frères de patrie, mais aucune culpabilité ni aucun remords n'étaient lisibles dans leurs regards.

Ymir savourait encore un peu cet instant où l'on devinait la peur qui pouvait saisir les habitants en contrebas à la vue d'une horde de guerriers prêts à fondre sur eux. Le sourire aux lèvres, il prit une longue inspiration avant de brandir l'une de ses haches et de hurler l'ordre d'assaut. Face au véritable raz de marée de combattants aguerris, une défense disparate s'était formée, principalement munie de fourches et de pioches, trahissant leur inexpérience la plus totale de la guerre dans laquelle ils s'étaient eux-mêmes fourrés.

Le sang jaillit et les cris de fureurs se mêlèrent à ceux de peur. Les moins vaillants, les femmes et les enfants se réfugiaient où ils espéraient demeurer à l'abri, priant qui leur venait en tête pour que ces sauvages kelowniens leur réservent le plus conciliant des sorts : une mort rapide et sans souffrances plutôt qu'une lente et douloureuse ou, pire, l'esclavage.

Ymir avait donné carte blanche à ses hommes qui s'adonnaient à ce que leurs envies leur dictaient, qu'elles concernent les biens des paysans ou bien leurs femmes.
Maculé du sang des malheureux ayant croisé son regard, le chef de guerre s'arrêta un instant pour constater, avec la plus entière satisfaction, le charnier que ses hommes et lui avaient causé, avant d'arrêter son regard sur l'un de ceux envers qui il avait une affection toute particulière.

Malik était un grand gaillard encore trop réservé et tendre à son goût, mais il avait constaté sa totale transformation dès l'instant où la première goutte de sang était versée. Y voyant là un potentiel à explorer, il n'avait de cesse que de le confronter aux pires abominations, à ce qui aurait raison de ce qui le retenait encore pour dévoiler toute la violence et la cruauté dont il était capable. Il voyait en lui un parfait combattant en devenir.

- Malik ! L'interpela-t-il, non sans de sordides arrières pensées. Viens là. S'approchant lui aussi du jeune homme qui le rejoignit rapidement, il lui adressa un sourire satisfait en observant le sang frais recouvrant ses lames et son visage. Combien d'hommes as-tu tué ?

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Il était jeune et il lui restait encore beaucoup à apprendre, Ymir en restait persuadé. Mais ce gosse était animé pas une folie meurtrière qui promettait d'en faire un puissant et solide guerrier, et le Chef de guerre ne pouvait décemment pas laisser se gâcher pareil potentiel. Il le lui fallait plus puissant et plus cruel que jamais, être de ses hommes les plus loyaux et suivre le moindre de ses pas. Gageant qu'un homme aussi prometteur que Malik saurait suivre la bonne voie, Ymir s'évertuait quand même à faire accélérer les choses. Pour le choquer, le traumatiser jusqu'à rendre l'épouvantable banal et l'horreur agréable.

Un franc sourire répondit à l'énumération que lui fit le grand blond qui, non content de lui donner un nombre satisfaisant d'adversaires à terre depuis le début de l'assaut, n'attendait plus que d'éradiquer les suivants. L'observant, il entrevoyait sa propre folie dans son regard et son souffle court, à la seule différence que les années et son rôle e Chef de Guerre lui avaient appris à conserver ce qu'il fallait de sang froid pour ne pas mener ses hommes à une mort certaine qui serait la leur car celle de leurs adversaires était inévitable, qu'elle soit brève ou d'une abominable lenteur.

Souriant de plus belle à la dévotion du guerrier, Ymir marqua un temps d'arrêt pour balayer les alentours du regard. Le combat s'était déplacé dans quelques ruelles plus éloignées, ne laissant autour d'eux que cadavres et agonisants aux râles à peine audible par dessus les bruits de bataille que l'on entendait toujours.

- Tu pourrais faire quelque chose pour moi.
Saisissant la nuque de Malik dans un geste presque fraternel, le Chef de Guerre l'entraîna à le suivre là où continuaient les festivités. Au bout de l'allée les attendait Fafner, fidèle ami à l’œil unique d'Ymir, qui désigna la plus grande bâtisse du village devant laquelle gisaient cinq corps d'ennemis semblant avoir vaillamment lutté.

- Le plus gros s'est réfugié là dedans. Ce n'est plus qu'une question de temps pour qu'on retrouve les derniers.

Ymir délesta le cou du jeune guerrier pour poser sa main sur l'épaule du plus âgé à qui il adressa un regard complice.

- Je n'en doute pas une seule seconde. Combien sont-ils à l'intérieur ?
- Une dizaine. Quelques femmes, des jeunes, des gosses.

La réponse de Fafner sembla satisfaire plus que de raison son ami qui s'était retourné vers Malik qu'il intima de le suivre d'un signe de tête.
Poussant les deux portes massives du bâtiment, il brisa l'obscurité dans laquelle se terraient celles et ceux qui voyaient toutes leurs chances d'en réchapper réduites à néant. Fafner, resté dans l'encadrement de la porte, gardait une main portée au pommeau du glaive qui pendait à sa ceinture tandis qu'Ymir menait Malik plus en avant dans l'immense pièce où ils découvrirent ce que leur avait annoncé le guerrier. Les femmes embrassaient les enfants tandis qu'un adolescent tendait vers les deux combattants un vulgaire couteau à évider gibier et poissons.

- À qui comptes-tu faire peur avec ça, gamin ?

L'interpela Ymir qui, seul, s'approcha du jeune garçon qui tremblait davantage à mesure que la distance se réduisait entre lui et cet homme transpirant de cruauté. La peur plus que l'appel à la clémence d'Ymir le priva de l'usage de ses jambes et l'adolescent tomba à genoux, le visage baigné de larmes à l'approche de sa dernière heure que le Chef de Guerre s'empressa de lui donner d'un coup de hache dans la jugulaire.

Les cris d'épouvante des femmes se mêlèrent aux pleurs des enfants, certains se tournant vers Malik comme pour le supplier de leur venir en aide comme lui seul semblait en être capable. Malheureusement, Ymir ne semblait ni le craindre ni le considérer en tant qu'ennemi alors qu'il lui adressait la paroles, annonçant la suite des festivités.

- On va s'amuser un peu.

D'un pas décidé, il se dirigea vers l'une des femmes qui tentaient vainement de protéger leur progéniture et, lui saisissant le bras, la fit se lever sans sembler porter d'attention à ses hurlements et aux faibles coups de poings qu'elle lui portait. L'écartant du groupe, il enfonça ses doigts dans sa chair et enroula ses bras autour de son buste sans aucune pitié pour son souffle court. Celle-ci était assez appétissante pour qu'il l'épargne et lui fasse rejoindre les esclaves du clan.

- Malik ! J'ai assez des cris de celle-ci, fais-moi taire les autres.

Le regard qu'Ymir lançait à l'intéressé suffisait à lui faire comprendre qu'il ne comptait pas le voir faire de la manière douce et sa voix rauque trahissait l'enthousiasme et la démence du Chef de Guerre à l'approche d'une démonstration de force se transformant en véritable massacre. À l'arrière, toujours appuyé dans l'encadrement de la porte, Fafner observait la scène dans un calme digne d'un Sage. Mais, si Sage il était au regard d'Ymir, il ne comptait pas réfréner les folies que son protégeait transmettait à la jeune génération.

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Les cris des femmes comme des enfants résonnaient dans tout l'édifice depuis qu'Ymir avait fait sonné leur dernière heure et signé la mort de la dignité de celle qui se débattait entre ses bras. Pourtant, le chef de guerre gardait une attitude étonnamment calme et sereine, comme il pouvait parfois l'être en savourant une victoire incontestée. Cette mission menée sur ce village était en effet un franc succès et il savait déjà la satisfaction de Laëth lorsqu'il lui rapporterait leur écrasante victoire sur ces traîtres incapables de défendre leurs idéaux au combat.

Il les offrait à Malik sur un plateau d'argent, ces femmes et ces enfants qu'il lui intimait d'éradiquer. Mais, déjà, il voyait dans son regard s'éteindre la flamme du combattant pour retrouver le brouillard qui aveuglait le démon qui sommeillait en lui.

- MALIK ! Hurla-t-il alors que le guerrier tardait à répondre.

Ce dernier s'était retourné vers lui pour confirmer ce qu'il avait craint. Il n'était plus le combattant féroce qu'il avait vu à l’œuvre quelques minutes plus tôt, juste cet ersatz de kelownien tout juste bon à martyriser les insectes. Cette vision fit bouillir le meneur qui ne tolérait aucune faiblesse ni aucun manquement à ses ordres.

- Fafner, tiens-la moi.

L'intéressé s'exécuta et s'empara de la captive qu'on lui tendait, malgré toute la résistance qu'elle put lui opposer, vainement. Ymir jugea le jeune guerrier quelques instants de son regard noirci par la déception et la colère, avant de se ruer vers les femmes et d'en saisir une qu'il brandit devant le couard qui se prétendait guerrier. N'ayant que faire des pleurs et des appels à la clémence, il maintenait les mains de la malheureuse fermement dans son dos tandis que, d'une poigne de fer ancrée dans ses boucles rousses, il offrait à Malik une gorge blanche toute disposée à se faire trancher.

- Es-tu un guerrier ou un lâche, Malik ? Il rapprocha davantage la proie facile qu'il tendait au jeune homme.Il n'y a de place pour les faibles dans mes rangs. Pas plus que pour ceux qui ne respectent pas mes ordres. Son emprise se resserrait sur la malheureuse sous le courroux qui animait le chef de guerre. Ses paroles, loin d'être anodines, dissimulaient à peine les menaces de ce qu'il saurait faire subir à quiconque manquait à son autorité, et les représailles pouvaient s'étendre au delà de l'individu fautif lui-même. Montre-moi que tu es un guerrier, gamin. Ou tes états d'âme et ta pitié te coûteront la vie un jour.

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Qu'il s'agisse des cris stridents autour d'eux, du vent qui s'engouffrait par les interstices des murs ou du bruit des combats allant sur leur fin, rien ne semblait percer la bulle qui renfermait les deux guerriers se faisant face, Fafner les observant en resserrant son emprise à chaque tentative de fuite de la captive.

La réaction de son poulain avait fait sourire le Chef de Guerre, d'un sourire empreint de sadisme autant que de satisfaction bien qu'il s'attendait encore à revoir surgir cet être trop sensible qui bridait celui qu'il voulait voir impitoyable. Malik l'avait prouvé à bien des reprises, il était l'un des plus loyaux guerriers qu'Ymir ait eus sous son commandement, malgré la sensibilité dont il pouvait faire preuve en dehors des combats. Mais, s'il pouvait se montrer être l'un des guerriers les plus fidèles et efficaces qu'il ait dirigés, cette part d'humanité qui le regagnait aussitôt la victoire sonnée était ce qu'il restait à revoir chez lui.

- C'est vrai. Répondit Ymir en s'approchant du grand blond dont il saisit l'épaule en signe de confiance et, presque, de fraternité. Tu ne m'as jamais déçu. Sa main serra l'épaule de Malik tandis que, du menton, il lui désignait les victimes qu'il lui avait réservées. Ne me déçois pas aujourd'hui.

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Le regard du jeune guerrier évoluait à chaque mot que prononçait Ymir, gagnant en force et en détermination, mais aussi en cette violence impitoyable que le Chef de Guerre voulait voir animer chacun de ses hommes. Le garçon sensible s'était terré en Malik pour laisser place à la machine à combattre qui emplissait son chef de fierté.

Ses paroles arrachèrent un large sourire au meneur dont le regard fut traversé d'une lueur de satisfaction en le voyant marcher d'un pas déterminé vers leurs victimes sans défenses. La pièce résonnait des cris stridents de la captive que maintenait Fafner et de celle par laquelle Malik avait décidé de commencer. Les autres, tétanisés par la peur ou espérant sûrement se faire oublier, réprimèrent leurs pleurs en se serrant davantage les uns contre les autres, hormis une femme téméraire, ou bien suicidaire, qui s'était jetée sur le jeune guerrier.

- Vas-y ! Hurla Ymir dans un élan d'enthousiasme, encourageant l'autre guerrier à laisser se déverser la violence comme le sang de ces faibles créatures. Il ne doit en rester aucun !

Derrière, Fafner soutenait la malheureuse dont les jambes avaient cédé sous la douleur et le désespoir. Le regard impassible de l'ancien chasseur observait la scène dans un calme plus inquiétant encore que la frénésie qui animait les deux autres guerriers. Les yeux d'Ymir croisèrent les siens dans une expression de fierté et de satisfaction à laquelle Fafner répondit par un bref hochement de tête. Tous deux en étaient à présent certains : Malik était fait de leur étoffe.

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Ymir s'était retourné pour contempler le corps sans vie de celle dont le jeune guerrier avait éclaté le crâne sur la pierre froide du sol. Une auréole écarlate se répandait autour de ce qui avait été un jeune et fin visage qui ne laissait à présent plus voir qu'un amas rouge sang.
Ses lèvres toujours étirées dans un sourire malsain, le chef de guerre avait levé son regard vers l'élément prometteur qui lui faisait la promesse de ne faire preuve d'aucune pitié. Il était là, ce démon implacable qui sommeillait en Malik et qui, ce jour plus que tout autre avant, laissait se déverser cruauté et violence envers celles et ceux que le clan réprouvait, sans distinction ni d'âge ni de sexe.

Les cris de terreur et les appels à la clémence résonnaient en vain dans le bâtiment qui s'était mué en la scène d'un sordide spectacle que les deux spectateurs qu'étaient Fafner et Ymir appréciaient en silence, une lueur sauvage dans le regard. Des gerbes rouges faisaient pleuvoir les sangs de leurs ennemis jusqu'à ce qu'ils se retrouvent tous mêlés sous les corps inertes. Ce n'était pas le sort de ces pauvres gens que les deux guerriers observaient avec attention, mais bien la folie qui s'était emparée du jeune blond qui, une fois sa besogne accomplie, en redemandait toujours plus.

Le rire d'Ymir lui répondit d'abord, alors que ce dernier s'avançait vers le guerrier maculé d'écarlate. Sa main vint trouver son épaule et, dans un nouveau geste fraternel, la serrant comme pour le ramener à la triste vérité qu'il lui annonça d'un ton amusé :

- Hélas ! On t'avait gardé le meilleur pour la fin... Les sanglots retenus de la seule survivante des lieux cherchèrent presque à lui donner tort. J'aurai à faire avec celle-ci quand nous seront revenus à Sengor. Le regard de la malheureuse croisa celui de son futur bourreau dans une expression de crainte comme de désespoir. S'en amusant, il lui adressa un clin d'oeil avant de prendre la direction de la sortie, invitant Malik comme Fafner à le suivre. Cela dit, considère-la à ta disposition, des fois qu'elle t'inspire...