[Rhazek - Servan] Combat à Mort

Tout s’était déroulé rapidement sans comprendre qui avait commencé ou même comment mais ce qui était sûr c’est que nous n’étions pas l’élément déclencheur. Nous devions descendre plus au sud d’Orketa car les villages avoisinants ne nous rapportaient plus rien d’intéressant à ramener chez nous. Notre soif de richesse nous poussa à toujours aller plus loin. Quant au village, il était calme, bien trop calme et la résistance fut moins importante qu’à l’accoutumée.

Ce furent les cris et les entrechoquements d’armes en fer qui nous alertèrent d’une bataille non loin de nous. Deux clans s’affrontaient pour une raison qui m’étaient jusqu’alors inconnu et qui ne m’intéressa guère sur le moment. Sans échanger un mot, seulement des regards nous nous dirigeâmes vers le champ de bataille, avec, pour beaucoup, des sourires goguenards car nous aurions enfin des ennemis à la hauteur de nos attentes. Nous fonçâmes sur les hommes, prenant à revers un clan qui fut surpris de notre arrivée. Nous étions facilement reconnaissables par nos vêtements et nos visages en partis peints.

Mes deux hachettes à la main, mon arc et carquois dans le dos, je frappais sans relâche, esquivais les coups non sans peine parfois, devant m’extirper par des coups de pied ou coup de tête dans certaines situations. Je gueulais comme un fou pour attirer l’attention et parce que ça me donnait une énergie frénétique. J’étais le meilleur, meilleur que tout le monde, meilleur que mon père. Le sang giclait à tout-va, les hurlements d’agonie s’accumulaient avant de s’éteindre dans un dernier bruit sec et brutal arrachant leur dernier souffle de vie. J’entrais dans une transe où la violence et la danse de mes armes faisaient un carnage autour de moi.

Des hommes tombèrent de tous les fronts. Toujours plein de hardiesse, le sang sur mon visage se mélangeaient à la peinture d’argile blanche, je lançais une de mes hachettes sur un homme qui allait attaquer de dos un de mes frères d’armes. Il y eut un bref temps de calme avant que la tempête ne reprenne autour de moi. Je ramassais l’arme quand j’entendis le cri non loin de moins. Un homme portant une épée ensanglantée porta un coup fatal à un des guerries venus avec moi. Arrachant la hachette du cadavre, mon regard bleu flamboyant d’une rage grandissante à chaque seconde à la limite de la folie, je m'approchais d'un pas décidé avant de lui lancer:

À ton tour, vermine.

Je suis le meilleur. Je suis le meilleur. Je suis le meilleur. Je suis le meilleur. Je suis le meilleur. Je suis le meilleur. Voilà ses pensées qui tournaient en boucle dans ma tête tel une incantation que l’on psalmodiait sans relâche et avec une foi extrême.

L’homme avait entendu mes paroles et c’était avec un rire rempli de la même folie qu’il répondit à mon appel. Nulle haine entre nous, seule l’animosité provoquée par des années de guerre entre nos deux clans, pourtant tant éloignés. Je n’éprouvais aucune colère envers cet homme, mais il portait les couleurs de Sengoli et je me devais de l’anéantir. C’était irrévocable. Il aurait pu être un ami, un proche mais il était né là-bas.

Il se lança vers moi, son épée en l’air, prête à frapper avec une violence inattendue, le coup devant fendre mon crâne comme un fruit mûr. Par réflexe, mes deux haches se croisèrent pour arrêter le choc, mes pieds solidement ancrés dans le sol. Le coup m’obligea à reculer d’un pas sous la force décuplée de mon ennemi. Poussant avec mes deux armes pour faire reculer son épée, j’en profitai pour donner un violent coup de pied dans son torse pour le repousser de quelques pas afin de lui faire face.

Du sang tombait comme des larmes sur mes joues, rendant mes yeux encore plus terrifiant. Un rire macabre s’empara de moi. Un ennemi à la hauteur, voilà ce qu’il était. Une courte seconde qui semblait pourtant bien longue me permit de le jauger du regard. Avançant d’un pas, j’envoyai un coup de hache, prenant de l’élan pour me retourner afin d’envoyer la seconde arme s’abattre sur mon ennemi et dans ce même élan remettre un dernier coup de ma première arme. Pourtant mes attaques se fracassèrent sur le bouclier de mon adversaire, faisant mouche. Il tenait bon, lui aussi, ses pieds fermement appuyés sur le sol. Ses jambes fléchirent un peu à la dernière attaque mais c’était pour mieux répondre, usant de ma faible défense pour frapper à nouveau. Je contrai avec le manche d’une de mes haches afin qu’il ne m’atteigne pas mais il me surprit en me donnant un coup de bouclier dans le visage, m’obligeant à reculer de quelques pas, légèrement sonné.

Mes yeux étaient révulsés, mon sourire sanglant, je crachais le sang qui envahissait ma bouche. Je devais lui faire perdre son bouclier dont le bois étant marqué par les multiples coups depuis le début de la bataille mais j’avais entamé la qualité de son arme défensive qui risquait de se briser si je lui assénais encore des coups de la même ampleur. D’une manière ou d’une autre, je devais lui faire perdre son bouclier pour qu’il n’ait plus que son épée.  

L’homme au summum de sa folie meurtrière se rua sur moi tel un animal qui n’avait plus rien à perdre. Le coup du désespoir d’un homme presque mort. Je fus surpris par cette attaque et fus entraînée sur le sol avec lui. Mes armes tombèrent non loin de moi. Le temps de réagir, le sengoli se redressa pour me dominer, me coinçant entre ses cuisses, puis commença à me frapper à coup de bouclier dans le visage. J’étais rapidement sonné mais je refusais de crever dans cette position que seule ma femme avait le droit de prendre avec moi.

J’attrapais un peu de terre que je lui jetais au visage mais cela ne l’arrêta pas. Je commençais à sentir une importante quantité de sang remplir ma bouche. Je lui donnais des coups de poing dans le flanc droit, mais l’homme continuait sans répit à me frapper dans l’espoir de me tuer. Alors je fis ce que tout homme ne devrait pas faire pour survivre : un coup de poing dans l’antre jambe. Traite, lâche, honteux même mais je n’avais d’autre choix. Mon ennemi s’arrêta d’un coup se roulant sur le côté de douleur, me permettant de rouler de l’autre côté pour attraper une de mes armes. Je me redressais, le regard noir, le visage en sang, crachant à nouveau du sang en plus grosse quantité sur le sol. Alors que l’homme allait se redresser, j’arrivais et lui donner un coup de pied le faisant rouler à nouveau sur le sol mais ce dernier en profita pour attraper son arme. Je fis de même et nous revoilà au point de départ. Une épée et un bouclier, face à deux hachettes. J’étais mal en point, crachant à nouveau du sang. Des cloches résonnaient dans ma tête.

Nous nous fîmes face, en silence, alors que les hommes tombaient autour de nous. Les coups s’enchaînèrent, la violence montant d’un cran. Il parait, attaquait et inversement, je parais puis attaquais sans relâche, hurlant de haine car l’homme résistait. Il ne voulait pas mourir. Je ne voulais pas mourir non plus. Alors que nous ne nous arrêtions plus, la fatigue commençait à se faire ressentir. Mon ennemi donna un coup de bouclier que j’évitais en faisant un pas de placement sur le côté et d’un coup du dessous de ma hache de lui arrachait son bouclier qui alla voltiger un ou deux mètres plus loin…

Nous dansions avec la mort, se tournant autour avec cette élégance que seuls les guerriers pouvaient avoir. Je sentais la fatigue commencer à surgir mais je refusais de l’entendre. Hors de question que je baisse les bras face à cet homme. Admettre que c’était un très bon combattant serait trop difficile pour moi mais l’homme résistait et montrait des parades et des techniques qui dépassaient celle que j’avais croisé et qui étaient à la hauteur des nôtres. Un combat ne dure pas plus de quelques secondes mais celui-ci semblait s’éterniser. Les coups s’enchaînèrent et il semblait être lui aussi à bout de forces, mais tenait autant à la vie que moi.

Son épée me blessa le flanc, me faisant hurler de rage et de douleur mais je profitai de cette attaque libérant toutes ses défenses pour le frapper à mon tour. La hache s’enfonça avec force dans la hanche de mon ennemi et dans l’élan l’amena au sol. Cet homme allait mourir en se vidant de son sang si aucun soin ne lui était porté. Je préférai le laisser là, voir la mort arriver avec douceur que de lui porter un coup fatal. Je ne savais pas que cela serait une grosse erreur de ma part par la suite. Mais je n’avais aucun respect pour les autres clans même si cet homme méritait que je l’achève sans douleur.

Alors je reculais, posant ma main sur mon flanc sanguinolent. Lui tournant le dos, je ramassais l’arc et le carquois que j’avais jeté au début du combat. Autour de moi, les derniers combats s’achevaient par une victoire des miens. Forcément. Nous étions les meilleurs. Les autres ne méritaient pas le titre de guerrier. J’entendais derrière mois des cris de rage et il me semblait reconnaître la tonalité de l’homme que je venais de condamner à mourir seul. Me retournant, l’homme était debout, prêt encore à en découdre, sa jambe ensanglantée. Attrapant mon arc, je décidai d’attaquer cette même jambe. Visant le genou, il n’y eut que quelques secondes pour que l’homme tombe à nouveau.

Couchez, dis-je froidement le regardant quelques secondes avant de rejoindre mes frères d’armes.

Le combat était terminé, l’attaque où nous avions pris part aussi. Les autres guerriers regardaient autour d’eux et commencèrent à voir ce qu’ils pouvaient prendre sur les hommes et dans le village. Le soir venu, ils fêtèrent dignement cette victoire tandis que je profitai d’une jeune femme capturée après les fouilles.