Comme Karrah n'est pas une grande consommatrice d'alcool, elle a l'esprit très clair pour cette deuxième journée de festivité. Et si les réjouissances de la vieille ne l'emballaient pas outre mesure, elle est plutôt excitée de pouvoir partir en chasse. Elle a enfin l'occasion de pouvoir le faire, alors elle a enfilé un pantalon en daim serré enfermé dans des bottines en cuir et une tunique à manche courte. Ses cheveux sont attachés par un lacet de cuir en chignon et elle porte sa hachette à la ceinture. Dès le début de la marche, Karrah a dégagé son arc de son dos, laissant les flèches dans son carquois. Elle a adressé un large sourire à Losran, probablement pas aussi enthousiaste qu'elle à l'idée d'aller chasser et aux autres membres de son groupe avant de lancer un regard à la ronde. Pendant plusieurs minutes, elle a roulé la corde de son arc entre ses doigts, comme un vieux rituel. Finalement, elle a sorti une flèche et l'a laissée à l'air libre quelques instants pour déterminer le sens du vent. Marchant vers l'ouest avec les autres, elle prend conscience de leur chance : ils ont le vent de face, leurs proies ne pourront pas anticiper leur arrivée s'ils sont silencieux. Elle encoche sa flèche et regarde à nouveau autour d'eux guettant des signes ou des traces de passages d'animaux. Elle se tourne vers Losran et lui demande : « Tu as profité de ta soirée ? » elle sourit un peu moqueuse et demande : « Tu pense réussir à toucher un animal ? ». Elle se moque mais elle sait qu'il est suffisamment intelligent pour ne pas avoir abusé et imagine que comme elle, il se méfie de ce qui pourrait se passer.

Même si le temps est à la fête, Losran n’a pas encore prit le temps de festoyer avec les autres convives pour commémorer l’Alliance. C’est encore délicat de se mêler aux autres clans, surtout ceux d’Ashkadi qui ont légèrement souffert des raids Kelowniens de ces dernières années. C’est pour cela que la veille, alors que tous mangeaient et buvaient pour débuter la fête, Losran est parti chasser de nuit à pied et au couteau. A part un lièvre, il n’a rien ramené et ne s’en est pas vanté, même pas à sa cousine et chef de clan Karrah. C’est elle la chasseuse après tout. Avoir pris un pauvre mammifère au collet dans une attente nocturne réchauffée à la gnole n’a rien de glorieux. Sans doute ferait-il mieux ce jour avec son vieil arc non manipulé depuis de longues semaines ? Non, même s’il l’a accroché en travers de son dos, le guerrier préfère chasser avec sa hache légère à double tranchant, rapide et les trois quart du temps fatale. Marchant vers l’ouest, il la fait tournoyer le long de son corps, en cadence avec son pas rapide mais léger. Karrah à ses coté, il essaye de paraitre amical avec les autres membres du groupes. La partie de chasse doit durer un moment alors autant que ça soit dans la bonne entente. Il leur adresse un sourire plein de dent assez maladroit avant de rejoindre la rouquine. A son niveau, il frotte le sommet du crâne de sa cousine en un geste fraternel. « Fantastiquement pleine de solitude, j’étais sous les étoiles au sud du campement. » Il sourit en tendant l’oreille comme le groupe traverse une prairie d’herbe haute. « Et toi ? Pas trop mare de ces rituels sociaux-gentillets ? » S’il était chef de clan, participer à ses sérénade le fatiguerai très vite. Finalement la verve de la jeune femme reprend le dessus et elle décide de taquiner son partenaire. « Je ne te permet pas. Mon habileté à la hache n’est plus à prouver. » Lors des raids, il fendait des crânes à un jet de pierre, dans la mêlé et les regards couvert du sang de ses ennemis, c’est pas un pauvre cerf qui lui fait peur.

Jusqu’à ce qu’il se remémore sa nuit à attendre après un lièvre… Il serre sa hache dans son poing. « J’ai pris l’arc au cas où … » ajoute-t-il le regard rieux, convaincu qu’il ne touchera pas un tiers de ce que tuera Karrah. « Dis moi, tu les connais un peu les autres ? J’remet aucune tronche … »

La soirée de Goran avait été mouvementée et très alcoolisée. Cependant, il tenait très bien pour son jeune âge et ce matin il était frais comme un gardon. Le matin, il avait un peu décuvé, discutant avec des gens venus de partout et résistant à l’appel de l’alcool alors qu’il allait participé à une grande chasse organisée pour la fête l’après-midi même.
Le moment de partir arriva rapidement et Goran rejoint le groupe auquel il avait été assigné. Il ne savait si c’était le hasard qui avait fait les groupes mais au ceint du sien, il ne connaissait personne. Comme prévu, ils partirent tous vers l’ouest, sans dire un mot.  Il allait falloir sociabilisé. Sinon, ils seraient tous morts d’ennui avant de tomber sur le moindre animal. Il allait se décider à abordé la jolie rouquine lorsqu’elle s’adressa au grand brun à côté d’elle.

"Zut, j’espère qu’ils n’ont pas de relation privilégiée, parce que si j’essaye de la toucher, je vais en avoir une avec la hache qu’il porte dans le dos."

Cependant, après avoir écouté leurs échanges, il en conclu qu’il étaient proches mais pas amants. «  Dis moi, tu les connais un peu les autres ? J’remet aucune tronche … » demanda le hachoir sur pâtes à la rousse. C’est à ce moment que Goran décida d’intervenir :

"Ma tronche à moi elle s’appelle Goran. Chasseur de Pankara. Ravis de faire votre connaissance."

Il prenait un air totalement décontracté, mais au fond il était très attentif. Comme les autres il avait sortit son arc et avait encoché une flèche. Il était habitué à chasser dans ces plaines et elles pouvaient s’avérer très dangereuses, même pour un groupe de chasseurs expérimentés.

Après s'être présenté et devant l'enthousiasme général, il marchèrent encore un moment sans rien dire et sans rien voir. Goran pensa qu'il aurait dû amener Houwi pour repérer le gibier. Ca faisait maintenant une heure qu'ils marchaient quand ils tombèrent enfin sur deux types d'empreintes dans l'herbe et la terre sèche. Les premières n'étaient pas très profondes et se dirigeaient vers le sud-ouest. Elle avaient un forme de petits sabots séparés en deux parties. Les autres empreintes étaient beaucoup plus grosses, plus profondes et montraient de nombreuses griffes qui se dirigeaient vers le nord-ouest. Goran en bon expert se pencha sur les empreintes pour les examinées de plus près. Après quelques minutes il rendit son verdict:

"On est en présence de deux types d'empreintes. Ici," expliqua Goran en pointant le sud-ouest. "On doit être en présence d'un cervidé de bonne taille. En prenant en compte la profondeur des empreintes et la sécheresse de la terre, il doit bien être de la taille d'un petit cheval. Les autres doivent appartenir à un ours à cornes, de bonne taille encore une fois. Je n'en ai pas vu souvent mais c'est une belle bête pleine de crocs et de griffes. Elle vous découpe un homme comme ça en un rien de temps.

Tout en faisant son exposé, Goran se plaça du côté des grosses empreintes et dit:

"Comme on est venu là pour s'amuser et se  détendre, d'autant plus que certains d'entre nous ne sont pas très frais d'hier, je propose le nord-ouest. Qui est partant pour la grosse bête? Ca va être marrant!"

Goran finit sa phrase en regardant les autres avec un grand sourire. Quand il y repensait, les arguments qu'il venait d'énoncer n'étaient pas forcément très convainquant mais il était remonté à blocs et impatient de relever ce nouveau défi.

Quand il lui répond, elle sourit amusée et lui dit :« Pauvre chou » pour se moquer. Elle le fait parce qu'elle le connait bien. Elle répond ensuite à sa question par un haussement d’épaules. Et elle complète ensuite par un « C'est de famille, visiblement » un peu sombre, ayant toujours du mal à accepter le fait d'avoir tué quelqu'un.
Elle grimace lorsqu'il prononce le mot tronche. Assez vite, quelqu'un répond à son cousin. Un chasseur de pankara. Puis, les autres se présentent aussi. Au chasseur pankara s'ajoutent un tavernier sengoli et un guérisseur d'orketa. Et il y a Namaah, que Karrah connaît. Elle l'a déjà vu avec Fafner et d'ailleurs, la rouquine aimerait que l'homme rende la liberté à son esclave. A son tour elle dit : « L'ours mal léché, c'est Losran, chef de guerre de Kelowna » elle sourit en coin avant d'ajouter : « Et je suis Karrah, chef de clan ».

Ils continuent à marcher et finalement, ils tombent sur des traces. Deux pistes différentes. Karrah les détaille avec curiosité. Elle ne connait pas tous les animaux des plaines, mais elle reconnait un peu en comparant à celle qu'elle connait. Probablement un herbivore d'un côté et un animal bien plus gros de l'autre. Vu la forme des empreintes, elle est presque sure qu'il s'agit de pattes d'ours. Elle passe sa main sur son ventre, par-dessus ses vêtements, et grimace un peu, ayant de mauvais souvenirs de sa dernière rencontre avec un animal de cette famille. Elle écoute le chasseur de pankara puis grimace un peu en demandant : « Tu as déjà affronté un ours ? », elle le regarde simplement, pas vraiment méchante, juste un peu sévère et reprend : « Nous ne sommes probablement que deux à savoir chasser correctement. Autant dire que nous n'aurions aucune chance face à un telle animal ». Elle ne veut vexer personne. Mais même si ceux ayant des arcs savent les manier, choisir cette voie serait clairement du suicide pour elle. Ses cicatrices sont là pour le prouver d'ailleurs.

Goran regarda la chef de clan un peu surpris. En effet, il n'avait pas pensé aux personnes qui l'accompagnaient. Il était habitué à chasser seul ou avec d’autre chasseurs de métier. Le défi en devenait encore plus excitant. Une fois que Karrah eu fini, il répondit :

"Les ours?! HAHAHA! Je les mange au petit déjeuner!"

Devant l’air dubitatif des ses compagnons de chasse, il reprit son sérieux. C’était clair que son petit mètre soixante-dix le décrédibilisait un peu. Il reprit donc :

"Bon pour être honnête, j’en ai déjà chassé deux. Le premier était pour mon examen de passage comme chasseur professionnel, je dirigeais un groupe de quatre chasseurs expérimentés. Le second, c’était il y a pas si longtemps avec un orkéta du nom de Hélios. J’ai failli y laisser une jambe ce jour là. Cependant, un animal reste un animal et bien qu’il soit gros et dangereux, si on sait comment s’y prendre, l’immobiliser devient un jeu d’enfant. Si on s’organise bien, ça peut le faire."

Goran réfléchissait à toute vitesse. Un guerrier, une chef de clan qui savait chasser, un tavernier pas très frais, un guérisseur qui n’avait même pas d’arc et une femme qui ne s’était pas présentée. Ce n’était peut-être pas une bonne idée finalement, comme il l’avait dit plus tôt, ils étaient là pour se détendre. Si l’un d’eux n’était pas capable d’agir efficacement ça pouvait tous les mettre en danger. S’il avait été tous seul il aurait peut-être tenté le coup mais là, étant le plus expérimenté, il se sentait responsable du groupe. Il ajouta finalement :

"Je ne veux pas me prétendre le meilleur chasseur. Quoi que je sois très bon à n’en pas douter, l’état ou l’inexpérience de certain peuvent s’avérer dangereux pour le groupe. Je propose donc que nous ne prenions la direction du nord-ouest uniquement si chacun de nous se sent capable d’assurer son rôle et sa propre survie. Le cas échéant, nous partirons vers le sud-ouest."

Goran s’était assis dans l’herbe entre les deux chemins tracés par les bêtes pour vérifier l’état de son arc et attendre la décision de ses camarades de chasse.

En dehors de quelques sessions de chasses auxquelles le guerrier a participé, il n’a jamais trop quitté le champ de bataille. Les hommes morts sous ses coups pèsent plus lourd dans la balance que tout le gibier amasser durant toute sa vie. Pour certains il n’en est pas fier, mais la longueur de sa queue de cheval et le nombre de tatouages sur son torses attestent de sa bravoure au combat. Ce n’est pas un être fin et délicat, et les personnes du groupe le remarquent aisément lorsqu’il s’enquière auprès de sa cousine au sujet des membres. Ils marchaient en tête aussi, un jeune Pankara se présente, légèrement trop sûr de lui aux yeux du chef de guerre. Losran salue du chef Goran, puis Servan, le discret tavernier de Sengoli. En dernier c’est un Orketa qui décline son identité, Atlas. Il n’a pas l’air très vaillant. Karrah prend alors la parole et écope d’un coup de poing sur l’épaule quand elle présente son cousin comme un ours mal léché. Il sourit, ce n’est pas faux. La seule à n’avoir dit mot, c’est Namaah. Ils ne se sont jamais parlé pourtant, Losran sait qui est-elle à cause de son statut d’esclave.
Il continue son chemin en jouant avec sa hache, ne décrochant pas un mot de plus au groupe malgré un sourire assuré incrusté sur son visage. Il n’a pas passé la soirée avec le monde la veille aussi il est en pleine forme, prêt à se battre, quitte à affronter un loup blanc à main nue, comme au bon vieux temps … « Hum. » Losran reste éloigné des traces de pas que le groupe croise. Enfin ils ont une piste ! Le Pankara et Karrah échangent rapidement au sujet des animaux qui pourraient avoir laissé ces traces. Un ours ? Un cervidé ? La hache du guerrier fend frénétiquement l’air contre sa cuisse, traduisant une excitation grimpante.

Même s’il sait qu’il n’est pas un excellent chasseur, Losran est un bon stratège et estime toujours que l’on peut gagner un combat rien qu’en réfléchissant. Il ne prend pas personnellement la remarque de sa cousine, sachant très bien qu’il est moyen, mais à six quand même… Ses tripes commencent à bouillonner, agitées par le désir de traquer un animal pesant près d’une tonne, le piéger et le tuer de la manière la plus précise. « Je vote pour l’ours. » dit-il comme s’il fallait que l’assemblée lève la main à l’instar d’une démocratie. Au vue du regard que lui jette Karrah, il entreprend d'argumenter au lieu de se contenter d'exprimer un désir purement primaire. « J’ai des années de combats derrière moi, on est six. Puis si on est organisé, ça ne doit pas être bien plus ardu que traquer un groupe de déserteur, leur tendre une embuscade et s’en occuper. » Instinctivement il aurait pu conclure par autre chose, plutôt un acte comme : les massacrer. Mais ça aurait un poil desservit la cause Kelownienne et ces jours sont précisément pour commémorer l’Alliance, alors autant y mettre du sien.

- Bon bah je pense que le vote est unanime, ce sera la grosse bébête. Karrah, nous suivrez-vous? Goran ne le dit pas sur le coup mais si elle refusait ce serait un très gros handicap pour l'équipe. Comme elle l'avait dis très justement, ils n'étaient que deux a savoir chasser. Après avoir parcouru les membres du groupe du regard les uns après les autres et exposa son plan:

- Nous avons donc deux archers expérimentés, commença Goran en regardant Karrah.

Puis il enchaina en regardant cette fois la jeune femme qui s'était présentée rapidement sous le nom de Nammah:

- Je ne connais pas votre niveau à l'arc mais tirer sur un animal de cette taille n'est pas très compliqué. Je propose donc de vider en priorité les pattes histoire de l'immobiliser ou au moins de le ralentir le plus vite possible. Malgré leur taille impressionnante, les ours sont relativement rapide et ils n'aura aucune pitié pour vous. Une fois assez ralenti, ce sera au tour des nos deux guerrier de terminer travail.

Goran se tourna alors vers Kellan et Lorsan:

- Je ne vous explique pas comment faire, si vous êtes tout deux des guerriers, vous savez quoi faire. Essayer taper en priorité la tête. Esquivez les coups de gueule mais faites encore plus attention aux coups de patte.

Il était resté assis pendant qu'il parlait alors il se releva et termina son discours:

- Et si jamais la bestiole vous fonce dessus, pas de câlin. Courrez!

Après ces mots, le jeune chasseur afficha un grand sourire et lança:

- On y va? Des questions peut-être?

Le chasseur pankara lui répond. Il le fait sur le ton de l'humour dans un premier temps, ce que Karrah ne relève que d'un regard assassin, avant de reprendre plus sérieusement. Il semble vraiment convaincu de ses paroles bien qu'il ait déjà presque failli y perdre une jambe. L'espace d'un instant, une douleur lancinante lui traverse le ventre. Elle n'y prête pas attention, pinçant juste un peu les lèvres. Des douleurs résiduelles qui remontent en raison du contexte. Elle sait très bien qu'elle n'a plus mal et qu'elle ne garde aucune faiblesse de ces blessures. Quand Losran vote pour l'ours, Karrah tourne la tête vers lui, choquée de l'entendre dire ça. Lui qui l'a retrouvée presque morte et qui a souvent râlé que sa guérison prenait trop de temps. Elle l'écoute et secoue la tête de gauche à droite silencieusement. Un à un, les membres de son groupe prennent la parole, tous semblant inconscient du danger auquel il s'expose. Et ce qui aurait dû être une partie de chasse amusante, vient unanimement de tourner au cauchemar. Karrah les regarde un à un. Elle est en colère parce que tous ces imbéciles la privent de sa partie de chasse tant attendue.

Goran reprend la parole, semblant s'être auto-nommé chef du groupe. Que les moutons le suivent, Karrah n'en a cure. Elle n'écoute même pas. Elle se fiche bien de son plan. Il n'y a aucun plan de valable face à un ours. Il est plus intelligent, plus fort et plus rapide. Plus gros également. Il n'y a que l'adaptation et l'instinct de survie. Lorsqu'il conclue son raisonnement par le fait de courir si l'ours charge, Karrah ricane ajoutant : « Vous seriez bien fous d'essayer de semer un ours, même blessé » elle hausse les épaules et dit : « Bougez sur les côtés, et restez à distance de ses pattes ». Courir ne sert à rien. C'est comme ceux qui pensent pouvoir semer un sanglier. Elle se tourne vers Atlas et lui dit : « Préparez-vous à recoudre des membres ». Elle fait du mauvais esprit Karrah. Parce qu'elle ne veut pas aller chasser l'ours. Elle retient bien la menace qui lui vient à l'esprit. Mais si cette chasse tourne mal, elle poussera Goran le premier sur l'ours pour sauver ceux qui pourront l'être. En commençant par son idiot de cousin. Elle pince les lèvres à nouveau puis commence à suivre les traces de l'ours. Elle ne se séparera pas du groupe, ce qui serait autrement plus suicidaire. Mais elle sera bien la première à rire lorsqu'ils rentreront sans aucune proie et à moitié morts. Au moins, personne ne pourra blâmer les kelowniens pour cela.

Tout le monde approuve l’idée d’aller chasser l’ours avec plus ou moins de réticence. C’est Karrah qui est la moins enthousiaste, assènant quelques remarques désobligeante à Goran, le Pankara ayant porté les premières analyses. Losran reste à l’écart, observant le dos de sa cousine, soulevant les points négatifs à chasser la grosse bête. Il a envie de lui dire qu’elle n’est pas venue la pour traquer du perdreau mais il se retient, attendant le silence dans le groupe pour prendre Karrah à part. En attendant, chacun est là à expliquer ce qu’il peut éventuellement faire et Atlas se prend d’ailleurs très bien au jeu. Le guerrier ricane, surtout après tous les conseils si avisé du chasseur Pankara.

La troupe se remet en marche vers le nord-ouest cette fois-ci. La chef des Kelownien traine des pieds et n’a toujours pas une mine à apprécier le moment. Son cousin, marchant en tête de file avec Goran et Servan à la poursuite de l’ours, décide de ralentir le pas. Il s’arrête presque pour que Karrah arrive à son niveau. « Faut retourner au front un jour, et  là c’est l’moment. » Il ne prend nullement un ton paternaliste ni jovial, juste celui qu’il a toujours, sa voix grave de guerrier. La chasse c’est l’âme de Karrah, et en quelques pas Losran a compris pourquoi elle ne souriait plus, il était un peu bête parfois. C’est pour cela qu’il n’aborde pas le sujet en frontal, elle lui reprocherait d’être hypocrite. La jeune femme n’a sans doute aucune envie d’aller affronter volontairement un ours à corne, ça doit lui rappeler de mauvais souvenirs, mais c’est grâce à une telle bête que tous les deux en sont là aujourd’hui. Elle a certes faillit en crever mais cette suite événements douloureux, c’était son destin. Muire pourrait lui confirmer s’il avait le feeling pour toucher les esprits. « Tu es plus forte que ça, surtout que lui, » ajoute-Losran à voix basse en montrant du menton le Pankara. « Il cause trop pour être vrai, pareil il n’a jamais chassé de sa foutue vie ! ». Losran ricane, faisant bien attention à ce qu’on ne l’entende pas, ces réflexions sont vouée à dérider la kelownienne et non créer un énième conflit.

Lorsqu'il eut fini d'exposer son plan, Karrah puis Atlas prirent la parole. Goran ne releva pas lors des remarques désobligeantes par lesquels il se sentait un peu visé au vue des regards meurtriers et accusateurs. Ca lui passait au dessus. Ce n'était pas bien compliqué vu sa petite taille. Aucun d'eux ne le connaissait en ne savait ce qu'il avait vécu et il en était de même pour lui envers eux. Il avait déjà combattu deux ours et savait très bien ce qu'il en était: "Vous seriez bien fous d'essayer de semer un ours... Bah naturellement qu'on va pas courir tout droit, débile! Les bestioles dépassent les 50 km/h à la course." Goran garda ses réflexions pour lui même et ils reprirent la route, les deux guerriers et le chasseur en tête. "J'espère qu'elle est meilleure que ça pour motiver les troupes quand ils partent au combat la cheffe de clan. Parce que là elle a bien plombé l'ambiance." songea le pankara. Mais contrairement à ce qu'elle pensait, il ne laisserait personne mourir, il ne le pouvait pas peut-être même que certains d'entre eux avaient des enfants. Il posa machinalement la main droite sur sa sacoche puis sur son carquois. Il avait fait de nombreuses recherches sur toutes les bêtes sauvages qui abritaient ces terres et savait comment les attirer ou les faire fuir. Il ne laisserait pas l'un d'entre eux derrière lui, il avait un minimum de fierté et maintenant que la moitié d'entre eux le prenait pour un amateur, la victoire n'en serait que plus délectable.

Il marchèrent comme ça un moment puis le guerrier du nord ralentit pour rejoindre l'arrière du groupe, surement pour parler à sa cheffe de clan. Puis la pensée des enfants revint à l'esprit du chasseur et il s'arrêta net, se retournant vers le reste du groupe, les prenants un peu par surprise:

- Attendez! Je n'y avait pas pensé avant et ça vient de faire tilt. Je suis peut-être chasseur mais je ne suis pas un monstre. J'émets donc une condition à cette traque. S'il se trouve que la bête en question quelle qu'elle soit est en période de gestation ou se trouve en présence de petits, je ne la chasserai pas. Je ne vous en empêcherai pas, mais je ne participerai pas. Rentrer bredouille pour avoir épargné une mère et pas extension une famille ne me dérange pas le moins du monde.

Atlas fut le seul qui remercia Goran. Ses paroles pouvaient sembler ironiques mais à l'intonation de sa voix, cela semblait honnête. Ce que venait de dire le jeune chasseur lui paraissait logique mais il n'avais que trop entendu parlé des kelonniens et ne savait pas trop à quoi s'en tenir. Ils avaient mené de nombreux raids contre la plupart des clans et particulièrement à Pankara. Maintenant, ils étaient dans l'Alliance mais il n'était pas sûr que ça allait changer grand chose. Il pourrait au moins se faire une idée pendant cette chasse. Il fût tiré de ses pensées par un grognement et du mouvement dans les hautes herbes en face de lui. Il n'eut pas le temps de réagir et se retrouva beaucoup plus près du sol, face contre terre. Elle était dure et sèche. Surtout dure.

- Aïe!

- Tu as mal quelque part ?

Goran roula pour se mettre sur le dos. Le guérisseur d'Orketa était auprès de lui.

- Non, ça va, je te remercie. Il m'a fauché comme les blé. Je vais me taper un bon gros bleu sur la jambe. Reste en arrière.

Le jeune chasseur se releva, boitant un peu, le temps que la douleur disparaisse. Il adressa un sourire à Atlas et ramassa son arc qu'il avait lâché pour amortir sa chute. Il vérifia rapidement l'état de la corde, histoire qu'elle ne lui cède pas dans les mains et encocha une flèche. Il se retourna vers le sanglier et lâcha:

- Je vais te trouer le groin mon p'tit porc! T'as renversé le mauvais chasseur! Il n’y a que moi qui fais du rentre dedans!

Il décocha sa flèche en visant le flanc et en retira deux de son carquois. Il s’était beaucoup entraîné au speed shooting récemment. Ce n’était pas facile à expérimenter en chasse solo mais là c’était l’occasion. Le jeune chasseur décocha ses deux flèches l’une derrière l’autre en direction de l’animal tout en se déplaçant par rapport aux autres membres du groupe de façon à encercler la bête.

Vu la bonne humeur de sa rouquine de cousine, Losran lève les yeux au ciel sans rajouter une parole. Oui Karrah à raison et rien ne la fera changer d’avis. C’est une tête de mule et depuis qu’ils sont enfants, le guerrier s’abstient de rentrer dans un combat sans fin. Sauf les jours où il s’ennuie et ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Le groupe suit donc sa route vers l’ouest à la poursuite d’un ours à corne, grosse bête massive et violente capable d’arracher une tête d’un coup de griffe. Réjouissant pour certain, inquiétant pour d’autres, la partie de chasse provoque pas mal d’émois dans le groupe. Namaah ne parle pas beaucoup, restant à l’écart des nordiens. Même s’ils sont 6, ils n’en restent pas moins des novices pour la plupart. Atlas, l’orketa, ne se prive d’ailleurs pas de signaler qu’il pourrait y avoir mort, blessé ou pire : unijambistes. Ou bout d’un moment le Pankara relativement fier et sûr de lui annonce qu’il ne chassera pas l’ours s’il s’agit d’une femelle avec petits. Tout le monde semble d’accord avec ça même si la majorité reste silencieuse. Losran serre les dents, c’est donner plus de poids à ce jeune bleu que d’approuver en ne disant mot. Karrah parait aussi avoir relevé le coté absurde de ses paroles. « Parfois je me demande où tu as bien pu être élevée. On forme des chasseurs à respecter la nature, les femelles et les bébés, tendis que nous guerriers … » Il ne termine pas sa phrase, remerciant intimement sa cousine pour avoir mis fin à cette ère de cruauté où chaque homme enrôlé dans l’armée avait au moins tué un jour dans sa vie une femme et des enfants.

C’est dans un silence presque religieux qu’une bête surgit des hautes herbes, surprenant le meneur de troupe Goran. Il vole après une charge frontale avant d’atterrir sur son séant un peu plus loin. D’instinct, Karrah encoche une flèche, attirant l’attention de l’énorme bête. Ce n’est pas un ours mais les sangliers sont monstrueux dans cette région. Il s’apprête à charger Namaah mais les flèches de la chef des Kelowniens le distrait. Une autre paire de flèche attaquent la bête, tirée par un Goran moins blessé qu’il n’y parait.

Losran s’élance alors, hache à la main, vers la cible. Il fait un léger détour pour contourner l’animal et passer devant Namaah. Sans lui adresser un regard, il lui adresse quelques mots en continuant de se déplacer. « Protège toi avec ton arme, et n’intervient pas. » Il s’élance alors, hache brandie au-dessus de la tête, pour retomber de tout son poids sur la nuque de l’animal, son arme s'abattant vivement vers la bête. Le cri qu’il pousse est un réflexe de guerrier qui pourrait transcender une flopée d’ennemis.