[Keeva - Neasa] Aurore Boréale et Alcool

Aurore Boréale et Alcool

Le froid glacial, les plaines enneigées, le ciel parcouru de multiples couleurs. Couleurs détonantes, du rouge, du vert, une pointe de violet. Couleurs qui pour un temps s’assemblaient, s’unissaient en une vague paraissant sans fin. Mais tout avait une fin même cette belle vague fascinante, presque hypnotisante. Pour l’instant elle tenait, s’épanouissait lentement dans le ciel. Keeva, une flasque d’alcool à la main, observait la vague, une lueur de tristesse dans le regard. Une lueur qui disparaitrait si quelqu’un la rejoignait. Mais il n’y avait personne, pas aussi loin de Vancove, aussi profondément dans les plaines enneigées, là où peu se risquait, par peur des prédateurs ou de se perdre, de ne jamais retrouver le chemin de la maison, d’errer pour toujours dans cette étendue glacée et sans fin. Quoique… Le regard de Keeva dériva vers la statue gelée non loin. Un ours sur ses pattes arrières, féroce et sauvage, tout crocs dehors. Keeva n’était pas la seule à connaitre cette statue, à une époque elle ne venait pas seule ici. Mais c’était y a longtemps. Elle avait peut être oubliée depuis le temps. Elle revenait si peu souvent en Kelowna, jamais pour très longtemps. Keeva prit une gorgée d’alcool, espérant stupidement que Néasa débarque, qu’elle puisse discuter comme avant, quand leurs métiers ne les tenaient pas aussi éloignés l’une de l’autre.

Des bruits de pas étouffées. L’ouïe fine et affutée de Keeva les repèrent aisément. Si une espionne sait être discrète, une assassin doit l’être encore plus. Elle ne se retourna pas, sa main chercha instinctivement la crosse de son arbalète. Ce pourrait être Néasa, ce pourrait être n’importe qui d’autre. Elle s’en était mis des gens à dos au fil des années. Les pas se rapprochaient. L’assassin finit par se retourner, cherchant des yeux l’auteur des bruits. En reconnaissant Néasa Keeva se détendit, retourna à la contemplation de l’aurore boréale, tendant simplement la flasque d’alcool dans la direction de l’espionne, l’invitant implicitement à venir s’assoir et regarder la vague avec elle. Si Néasa ne voulait pas parler ce ne serait pas un souci. Si elle voulait déballer ses problèmes Keeva l’écouterait.

Aurore boréale et alcoolNéasa & Keeva

J'ai chevauché bien des jours avant d'arrivée ici. Il m'arrivait parfois, après de longues semaines passées à Askhadi, de ressentir le besoin irrémédiable de retourner chez moi. Dans ces terres du grand Nord inhospitalières qui pourtant me rappelaient mes origines et à quels points je les appréciais. J'avais décidé de me donner à corps perdus dans mon rang d'espionne et c'était ce qui m'avait fait quitter mon peuple. J'aurais tant préférer y rester... Cependant, je préférais tester ma valeur. Et aujourd'hui, je n'étais pas mécontente d'être partie. Car depuis la mort de Laëth, je ne me sentais plus à ma place. Je n'approuvais en aucun cas les décisions de Karrah et je détestais cette idée de rejoindre l'Alliance. Très peu pour moi cela. Et j'avais beau être une guerrière hors paire et une espionne expérimentée, mes rangs ne me permettaient de remettre en cause ces décisions. Un jour peut-être. Je l'espérais du moins...

Heraklion avait retrouvé cette neige qu'il n'appréciait guère. Elle l'empêchait de galoper à vive allure dans les plaines gelées. Alors sachant qu'il ne me restait plus beaucoup de marche à parcourir, j'étais descendue et, le maintenant fermement par le licol, poursuivis à pied. Je reconnaissais cet endroit. Je ne l'avais jamais oublié. Gravé à jamais de ma rétine à ma mémoire. C'était trop beau pour que je ne m'en souvienne pas... Malgré les années. La nuit était tombée et dans le ciel se dessinait un ballet de couleurs tantôt froides, tantôt chaudes. Cela faisait si longtemps que je n'avais plus assisté à un tel spectacle. Des frissons parcoururent mon corps tout entier. Au loin dans les ténèbres se dessinait la silhouette d'un promontoire, au sommet duquel trônait un immense arbre dégarni de feuilles. Alors je m'approchai, lentement mais sûrement, ralentie par mes jambes s'enfonçant dans la neige.

Jusqu'à arriver à la hauteur d'une silhouette humaine qui me fusillait du regard. Difficile la discrétion accompagnée d'un cheval et encore plus quand on pensait être seule. Jamais je n'aurais pensé retrouver un jour cette jeune femme ici. En s'apercevant de mon identité, elle se retourna vers le spectacle des aurores boréales. En premier lieu, j'attachai Heraklion à l'arbre. Puis, me rapprochant d'elle, attrapant la flasque qu'elle me tendait. J'étais surprise de la retrouver ici. Nous avions tellement l'habitude d'y venir avant toutes nos obligations. Et là, le pourcentage de chance pour que l'on se trouve en même temps était plus que faible... D'ailleurs, j'avais cessé de compter le temps depuis notre dernière rencontre.
J'attrapai la flasque et pris place à ses côtés. Quelles retrouvailles pour le moins inespérées, soufflai-je en arrachant une gorgée à la bouteille qui instantanément me brûla la gorge. Cet alcool était plus fort que je n'aurais pu le penser. Spécialité kelownienne pour supporter les grands froids. Ca en revanche, je l'aurais presque oublié.