De fortes bourrasques traversent les plaines Askhadi de part en part, faisant danser les herbes hautes et les cultures donnant l'illusion de véritables mers vertes et ocres dansant de parts et d'autres des routes terreuses que beaucoup évitent en ce jour de grand vent. Seules les oreilles les plus délicates choisissent de rester à l'abri de quatre murs, tandis que caravanes et aventuriers s'étourdissent au gré des vents changeants et tâchent de contenir leurs nerveux attelages et montures.
Hissé sur sa jument pommelée, accompagné de deux autres miliciens, Chulainn a choisi de couper à travers champs et prés pour gagner au plus vite les écuries de celle qu'il pourrait aisément appeler son amie, bien qu'il préfère s'en garder. Nylia est une jeune femme qu'il côtoie depuis quelques temps déjà, allant et venant dans ses écuries pour lui confier des chevaux que la milice souhaite entraîner. Très tôt il a senti chez elle quelque chose de brisé et de sauvage, quelque chose d'intrigant lui intimant silencieusement de garder un œil sur elle. Chacune de ses visites en est devenu un prétexte pour s'enquérir de son bien être et celle-ci ne fait pas exception.
Les sabots des montures des guerriers foulent le sol à une allure folle jusqu'à ce qu'ils ne discernent le toit des écuries au sommet d'une colline, faisant doucement sourire Chulainn qui les sait être un lieu des plus accueillants. Leur allure ralentit et c'est au trot qu'ils atteignent le sommet de la colline où les attendent deux employés qui les saluent poliment. Les cavaliers mettent pied à terre et confient leurs rênes à un jeune palefrenier qui mène leurs chevaux à l'abreuvoir le plus proche, tandis que son comparse les invite à le suivre vers les pâturages.
La silhouette élancée de leur hôtesse se dévoile au détour d'un mur de pierres et ils s'avancent vers elle, Chulainn devançant ses frères d'armes de quelques pas. Elle le reconnaît sans même se retourner, faisant doucement rire le guerrier qui se dit qu'il passe peut être trop souvent lui rendre visite. Et, lorsqu'elle se décide à lui adresser un regard, c'est avec un sourire sincère et amical qu'il lui répond :
- C'est une manière de voir les choses. Son ton est rieur, presque moqueur, et ses paroles complices transpirent l'humilité et le désir de ne pas être vu comme un guerrier.
Mais je ne risque certainement pas grand chose en passant mes journées à régler des conflits entre les agriculteurs du coin.Et cette vie lui convient parfaitement. Ses cicatrices et son regard las ont beau trahir de longues années passées à combattre, il n'a d'yeux à présent que pour une existence de calme rythmée par de futiles banalités, malgré l'énergie dont il fait preuve à rendre Liath apte à faire face à ses anciens compagnons d'armes.
Invité à suivre Nylia dans le pâturage, il fait signe aux deux miliciens de ne pas lui emboîter le pas pour ne pas effrayer l'étalon sanguin qu'ils viennent chercher. Les deux hommes le regardent alors s'éloigner et refermer le portail de bois derrière lui, se contentant de cette seule justification sans imaginer une seconde que Chulainn s'octroie un instant de tranquillité avec une amie qu'il n'a pas vue depuis plusieurs semaines.
Accélérant le pas, il rejoint l'éleveuse pour marcher à ses côtés, maintenant une distance toute "professionnelle" entre eux en sentant les regards de ses semblables portés sur eux.
- Je ne doutais pas un instant que tu saurais t'y prendre avec lui. Lance-t-il d'un ton sincère en jetant un regard en coin vers les deux hommes accoudés au portail.
Et toi, Nylia, comment tu vas ?