DANIKA + YMIR

J'aimerais te voir agoniser...

La douleur et la peur, ce sont les deux choses qui ont tenu Danika éveillée depuis que ces hommes l’ont capturée dans le campement de fortune sur les terres des Pankaras. Elle et d’autres femmes, aucun homme n’a survécu à l’attaque des kelowniens sur le campement et à présent Danika sait pourquoi. Les hommes sont forts, ils se rebellent et montrent les poings tandis que les femmes sont plus facilement influençables et apeurées. Et elles ont de quoi puisque ces hommes sont fous, aux yeux de Danika ce sont des monstres sanguinaires qui vont devoir payer de leurs crimes un jour ou l’autre. Surtout celui qui se fait appeler Thjazi et qui est un sauvage, un monstre qui l’a menée jusque sous sa tente pour la brutaliser de la pire des façons à ses yeux. Cet homme qui l’a laissée là, souillée, baignée de larmes et traumatisée, implorant tous les dieux de la laisser tranquille et de punir cet homme. Mais les dieux n’ont pas répondu. Ils lui ont juste permis d’être tranquille le deuxième soir, de ne pas retourner sous la tente de ce monstre, mais ce n’est pas pour cette raison qu’elle a réussi à dormir un peu. Elles sont parquées comme des animaux dans une cage, les mains enchainées pour les empêcher de fuir sans doute.

Mais Danika a un peu plus de chance que les autres parce qu’elle peut leur être utile, du moins c’est ce qu’un homme a indiqué et c’est sans doute pour cette raison qu’elle est encore en vie maintenant et qu’elle a quitté sa cage. L’un des hommes est venu l’arracher aux autres, sans ménagement aucun, la tirant par le bras pour qu’elle se rende utile auprès d’un guerrier blessé. Il crie sur elle, lui aboie des ordres avec cette voix grave et cet accent qui vient des terres du nord, et la menace tandis qu’elle refuse de soigner un homme qui a sans doute tué des gens qu’elle connaissait dans ce campement Pankara. Alors Danika lui jette un regard noir, le maudissant sur plusieurs générations, avant de se pencher sur les blessures de cet homme. Elle aimerait voir sa plaie s’infecter, qu’il souffre et agonise durant des jours pour finalement voir arriver sa mort, mais elle ne peut que constater que l’homme va survivre. Et elle s’en veut de penser une chose pareille alors qu’elle a juré de prendre soin des corps et des esprits blessés, mais elle ne peut s’empêcher de le faire car ces hommes sont tous des monstres. Tous sans exception.

Et tandis que l’homme est un peu dans les vapes, Danika repère son poignard posé au sol à quelques centimètres de lui et profite de l’inattention sur elle pour l’attraper et le cacher dans sa manche. Elle n’a jamais été pour la guerre, pour le sang et la vengeance, mais il y en a un qu’elle veut faire payer pour ce qu’il lui a fait. Alors elle se relève doucement et prétexte vouloir aller chercher de l’eau pour nettoyer les plaies de l’homme afin de s’éloigner un peu. Elle a aperçu Thjazi un peu plus loin et compte bien lui enfoncer ce poignard dans la jugulaire.

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Le campement vibrait d'une animation propre aux retours des guerriers victorieux vers leurs terres, où leurs frères et sœurs les attendaient pour célébrer leurs faits d'armes et profiter du fruit de leurs pillages. Vivres, objets et esclaves couleraient à flot, enthousiasmant la troupe kelownienne qui, malgré les pertes et les blessés suivant le cortège, conservait une satisfaction générale.

Ymir le premier n'était pas peu fier de ce que ses hommes et lui avaient accompli. Leur groupe de dissidents se trouvait bien moins puissant qu'ils n'avaient pu l'être sous le règne de Laëth, mais cela ne les en rendait que plus violents et plus déterminés. Cet enchaînement de victoires en territoire pankara les avaient confortés dans leur force et leur mission, remplissant leurs sacs de biens et de nourritures, et leurs cages de femmes et d'enfants destinés à une existence servile. Les hommes, trop combattifs, avaient été purement et simplement exécutés et seules quelques unes de leurs sœurs, épouses ou autres avaient eu la (mal ?) chance d'éveiller de l'intérêt chez certains kelowniens.

Cette guérisseuse en faisait partie. Une frêle jeune femme à la peau basanée qu'Ymir avait vue tenter -vainement- de soigner un pauvre homme lors de leur dernier raid. Il s'en était fallu de peu pour qu'elle ne succombe avec son patient, mais le chef des rebelles avait eu d'autres plans pour elle, épargnant froidement sa vie pour qu'elle use de ses compétences sur ses hommes. Il savait les risques encourus mais ne les craignait pas, trop confiant en la force de dissuasion des siens et de lui-même. C'était Thjazi qui avait mis la main sur la malheureuse, non sans se l'approprier ouvertement comme un chien revendique son os. Indifférent à cette possessivité qu'il jugeait ridicule, Ymir ne s'impliquait en rien dans ce manège qu'il entendait néanmoins et pouvait observer en croisant le regard avide de son guerrier posé sur l'étrangère.

Il ne s'opposait aucunement aux atrocités qu'il lui arrivait lui-même de faire subir mais il se réservait le droit de soustraire la guérisseuse à son maître dès lors que l'on avait besoin de ses compétences. Cette fois encore, Thjazi s'était opposé à ce que la jeune femme ne soit de nouveau sollicitée, amenant Ymir à lui rappeler que la seule raison pour laquelle elle respirait encore était son statut de soigneuse. Le kelownien frustré dut bien se résoudre alors à ravaler sa possessivité et avait regardé l'esclave sortir de sa cage d'un regard empli de haine et de jalousie.

La guérisseuse fut amenée aux abords d'une tente à côté de laquelle étaient étendus plusieurs guerriers, dont celui qu'on lui intima d'ausculter sous la surveillance discrète d'Ymir qui n'avait aucune confiance en elle. Elle fit ce qu'on lui ordonna pourtant, sous le regard satisfait du chef rebelle qui réprima un rire en la voyant glisser dans sa manche ce qu'il reconnut comme étant le poignard de l'homme inconscient. Il n'était pas rare que leurs esclaves cherchent à s'échapper et les kelowniens savaient reconnaître les têtes brûlées avides de liberté. Mais ce n'était pas le désir de fuir qui emplissait les yeux noirs de celle-ci. Ymir ne connaissait que trop bien cette ombre qui s'insinuait dans l'esprit jusqu'à imprégner les yeux d'une personne bafouée. Lui qui l'avait connue durant la sombre période qui avait suivi l'assassinat de son père, jusqu'à ce qu'il n'ait enfin pu assouvir sa vengeance, ne reconnaissait que trop bien se désir d'en finir une bonne fois pour toutes.

Suivant les pas de la femme du sud, il s'en approcha discrètement jusqu'à la voir figer comme devant une proie à la vue de l'homme qui avait fait naître en elle ce désir de vengeance.

- Et tu espères peut être t'en tirer, si tant est que tu réussisses ton coup ? Son ton était moqueur et son allure désinvolte laissait connaître son assurance et l'ascendant qu'il savait avoir sur la frêle créature qu'il avait interpelée. Une seule menace, un seul geste offensif de sa part et il saurait la dissuader de recommencer.

DANIKA + YMIR

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Danika a juré de prendre soin des gens et de leur apporter un peu de douceur pour évacuer la douleur de leurs corps, mais à cet instant-là elle se fiche pas mal de la souffrance qu’elle infligera à cet homme qui lui a volé son innocence. Elle veut lui faire payer ce qu’il a fait, à elle et aux autres, parce qu’elle se doute qu’elle n’est pas la première qu’il emmène sous sa tente et qu’elle ne sera sans doute pas la dernière. Cet homme est un monstre et Danika compte bien le lui faire payer, alors si elle peut lui planter ce poignard à un endroit stratégique et le regarder se vider de son sang, elle le fera. Elle s’avance dans le campement tout en gardant les yeux rivés sur cet homme, sur ce monstre, faisant abstraction de tout ce qu’il peut se passer autour d’elle. Elle ne remarque même pas l’homme qui la suit, elle n’a d’yeux que pour Thjazi qui se trouve un peu plus loin dans le campement. Elle n’a que quelques mètres à faire mais elle s’arrête d’un coup, le fixant tout en se demandant de quelle façon elle va bien pouvoir enfoncer cette lame dans sa chair. Elle veut le faire souffrir mais être sûre qu’il ne puisse pas s’en sortir, alors elle cherche le meilleur moyen de le faire.

Mais une voix derrière elle la fait sursauter et se retourner doucement. C’est cet homme qui lui a sauvé la vie quelques jours auparavant, cet homme qui a demandé à ce qu’elle soit épargnée à cause de son rang de guérisseuse. Elle serre les dents et relève les yeux vers le visage de cet homme qui la dépasse de presque deux têtes. Il est sans doute deux fois plus large qu’elle aussi mais elle n’y pense pas sur le moment, elle veut juste se venger. Sa phrase est moqueuse et Danika tourne la tête vers Thjazi avant de reporter son attention sur l’homme que les autres appellent Ymir. « Une partie de moi est morte il y a deux nuits, je me fiche de m’en tirer ou pas. » Elle veut juste lui faire payer. Alors elle sort le poignard de sa manche et le pointe vers l’homme. « N’approchez pas, ou c’est vous que je poignarde. » Elle a peut-être perdu un peu la tête aussi.

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Plusieurs mètres les séparaient encore, pourtant, Ymir pouvait lire tout le ressentiment et toute la haine qui agitaient le regard de l'esclave bafouée. Il le connaissait pour l'avoir porté, et pour l'avoir causé chez d'autres femmes qu'il avait lui-même humiliées pour son bon plaisir. Le sort de celle-ci ne l'apitoyait donc pas plus que celui d'une autre tant il lui paraissait normal que ses hommes disposent de leurs biens comme ils l'entendaient. Cette guérisseuse n'était qu'un bien, qu'un butin glané au prix du sang des siens et, quand bien même sa valeur eut surpassé celle de ses semblables, elle n'en demeurait pas moins un simple outil qui perdrait tout son intérêt lorsque la Dissidence aurait gagné en guérisseurs.

Pour autant, voir une femme combattive n'avait jamais été pour déplaire à Ymir qui conservait son sourire assuré malgré la lame pointée dans sa direction. Les menaces proférées par l'esclave le firent exploser d'un rire franc et ses yeux encore embués de cet éclat jugèrent l'insolente qu'ils parcoururent de haut en bas.

- Doucement avec ton cure dents ma belle, tu pourrais te blesser.

Plutôt que de caresser le manche de la hache pendant à sa ceinture, le guerrier avait calmement posé sa main sur la tête du chien massif se tenant à ses côtés. Garm était une bête rustique au pelage épais le préservant du froid kelownien comme des bourrasques pankaras. Son allure oscillait entre celle de ces chiens de berger et de ces chiens primitifs dont les races s'étaient depuis longtemps éteintes pour laisser place à des croisements sauvages ou étudiés pour créer des molosses robustes et résistants. Le regard jaune de l'animal rivé sur la jeune femme avait reconnu chez elle une posture menaçante, la portant directement en ennemie de son maître qui ne semblait pas s'en préoccuper pour autant. Bien au contraire, le kelownien s'était avancé de quelques pas vers la captive qu'il semblait défier de passer à l'acte par son attitude.

- Je ne parlais pas particulièrement d'exécution. Reprit-il d'un ton trop posé et serein pour la violence qu'ils dégageaient. Crois moi, la mort est mille fois plus enviable au sort que je te réserverais si tu tentais quoi que ce soit. Ses pas l'avancèrent encore vers l'esclave sur la défensive, suivis de ceux de Garm dont les crocs se dévoilaient à mesure qu'il s'approchait de la menace. Tous deux s'arrêtèrent devant elle, à une distance laissant tout le loisir à Ymir de comprendre l'intérêt que pouvait avoir l'autre guerrier pour celle-ci.

- Thjazi recommencera, et tu le laisseras faire. D'autres viendront peut être et tu ne t'y opposeras pas. Ses mots tombaient comme autant de couperets ne laissant aucune échappatoire à la malheureuse captive. C'est le lot d'une vie d'esclave, et il faudra bien t'y faire : tu feras ce qu'on t'ordonne et ce qu'on veut de toi. Son regard se plongea dans celui, noir, de la jeune femme qu'il menaçait ouvertement. Une seule insoumission de ta part... Ymir se tourna, désignant l'un des chariots au loin dans lequel d'autres esclaves se morfondaient sur leur sort, ... et tu seras responsable de leur sort.

DANIKA + YMIR

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Elle n’a pas vraiment réfléchi en voyant le poignard. Elle a juste vu l’arme, l’a saisie et s’est dit qu’elle pourrait faire payer à ce monstre ce qu’il lui a fait deux nuits auparavant. Mais elle n’a pas réfléchi au fait qu’elle pouvait être vue, qu’elle pouvait être suivie puis stoppée par quelqu’un d’autre. À part Thjazi au loin, Danika a fait abstraction de tout ce qu’il pouvait se passer autour d’elle à ce moment-là. Mais l’homme face à elle la ramène sur terre et tandis qu’elle le menace de ce poignard qu’elle a volé un peu plus tôt, elle se rend compte qu’elle n’a en effet aucun moyen de s’échapper de ce campement sans éventuellement y laisser la vie. Ils sont des dizaines, armés jusqu’aux dents, hommes forts et habitués au combat. Elle est seule, avec juste un poignard et ne saurait sans doute même pas échapper au plus frêle d’entre eux. Elle le menace et l’homme rit, comme d’autres ont ri avant lui sous la tente où elle se trouvait quand elle a été capturée, mais cela n’empêche pas Danika de resserrer sa main sur l’arme. Pas même l’immense chien aux cotés de l’homme ne lui fait lâcher ce poignard auquel elle se raccroche désespérément.

Mais l’homme n’a pas peur et c’est bien là tout le contraste entre eux deux, parce que Danika est terrifiée. Plus il s’approche d’elle et plus elle sent son corps la lâcher, sa main perdre la prise sur le poignard qu’elle tient et elle ne peut empêcher les tremblements qui prennent son bras. Ce ne sont pas ses mots qui la font réagir mais son imposante présence face à elle. Il est plus grand, plus large et son calme lui fait froid dans le dos tandis qu’il s’approche à nouveau d’elle, le chien sur ses talons. Elle secoue la tête, sentant les larmes lui monter aux yeux tandis que l’homme lui explique que Thjazi recommencera. « Non… » Elle ne le laissera pas faire, pas encore. C’est hors de question. Elle préférerait mourir que de laisser encore ce monstre la toucher. « Jamais ! » Si elle hausse un peu le ton, Danika sait très bien qu’elle n’est pas très convaincante avec sa voix qui tremble et les larmes qui commencent à flouter sa vision. Elle refuse d’avoir cette vie d’esclave dont l’homme lui parle, d’être obligée de partager la couche d’un homme qui la terrorise et de celles d’autres guerriers.

Elle est aveuglée par la peur et ne mesure pas forcément toutes les paroles que prononcent l’homme, elle est paniquée depuis qu’il a dit les mots « Thjazi recommencera ». Elle ne veut en aucun cas que cela recommence alors, la main tremblante, elle lève le poignard vers son propre cou et observe l’homme. « Je refuse de devenir l’esclave de monstres tels que vous. » Elle préfère peut-être ça plutôt que de subir à nouveau les mains de Thjazi sur son corps.

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La rage grandissait dans le regard que soutenait le kelownien qui y trouvait entière satisfaction. Bien qu'il n'y paraisse pas tant que ça, la manipulation restait l'une des armes du meneur d'hommes qui savait aussi s'en servir pour sa propre distraction. Générer de la colère, faire exploser les démons enfouis était en quelque sorte une spécialité qu'il maîtrisait relativement bien et dont il aimait user, tant sur ses hommes en combat que sur les captifs qu'il était distrayant de pousser à bout.

Celle-ci n'avait pas demandé beaucoup d'efforts. Ses yeux embués par le désespoir, ses mains tremblantes de peur et de tristesse ne faisaient que sourire davantage Ymir qui réprima un ricanement en la voyant porter la lame à sa gorge.

- Parce que tu pensais avoir le choix ? S'exclama-t-il comme s'il venait d'entendre une plaisanterie. Son rire s'arrêta brusquement avant qu'il ne repose un regard sombre sur la malheureuse. Je suis au regret de t'annoncer que ta vie même ne t'appartiens plus, ma belle. Penché légèrement vers elle, il l'écrasait volontairement de sa hauteur. Tu sembles avoir assez bien compris qui nous sommes. Et je pense savoir quel genre de femme tu es, guérisseuse. Constata-t-il ironiquement. Serais-tu capable de mettre fin à tes jours si je te jure que je ferai brûler ces enfants avec ta dépouille ?

DANIKA + YMIR

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Le poignard sur sa gorge, Danika semble déterminée. Elle refuse de devenir une esclave à la solde de ces monstres, de ces hommes qui ne pensent qu’au combat et au meurtre. Elle a eu un aperçu de ce que font ces hommes sur le champ de bataille et en dehors, et elle ne souhaite pas vivre parmi eux, encore moins en devenant une esclave. Ces hommes sont des brutes sanguinaires, des gens venus du nord, de ce clan qui n’est pas réputé pour être accueillant. Elle a entendu les histoires sur Kelowna et sur ses habitants, ça l’a toujours effrayée et elle ne souhaite pas en voir plus. Alors elle maintient la lame contre sa peau tout en tremblant, les yeux rivés sur l’homme devant elle. Sa main n’est pas assurée du tout, Danika n’a jamais été suicidaire et a toujours apprécié la vie même après toutes les choses qu’elle lui a faite. Mais la vision de celle dont lui parle cet homme lui fait peur, suffisamment pour qu’elle pense à appuyer un peu plus fort la lame contre sa gorge.

L’homme ricane à nouveau mais Danika ne le lâche pas du regard. Elle est en colère par tout ce qui lui arrive, contre elle-même aussi parce qu’elle n’arrive pas à esquisser un geste plus ferme pour mettre fin à tout ça. Il se rapproche encore et elle lève les yeux vers lui, consciente qu’il lui suffirait d’un seul geste pour lui arracher son arme et la mettre à terre. Mais l’homme lui parle juste et, sans même esquisser un seul geste envers elle, il lui fait peur. Il la menace et ça fonctionne, parce que Danika ne peut s’empêcher de tourner le regard vers ces femmes et ces enfants dans la cage où elle se trouvait quelques instants auparavant. Et elle voit cette petite fille plus loin, qui s’agrippait à sa jambe quelques jours plus tôt, terrifiée de ne plus voir son papa à ses côtés. Les mots de l’homme la font douter et elle perd le peu de détermination qu’elle avait, parce qu’elle sait qu’il serait capable de faire du mal à ceux qui se trouvent encore dans ces cages. Les larmes aux yeux, rageant intérieurement contre cet homme et ses semblables, elle finit par baisser le poignard, résignée, et à bout de force. Ses jambes la lâchent et elle se laisse tomber sur le sol froid et dur.

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Le sourire d'Ymir s'était élargi à la vue du regard de l'inconsciente esclave qui avait glissé vers l'étroite cage renfermant une partie des femmes et des enfants que les kelowniens avaient capturés durant leur raid en territoire Pankara. Les guérisseurs étaient, pour la plupart, des êtres doués de sentiments et d'empathie, et c'est ce que le kelownien avait su déceler en celle-ci, dès lors qu'il l'avait vue s'évertuer à sauver cet homme avant qu'il ne décide lui-même du sort de ce dernier. Son instinct de survie s'appliquait aux autres plus qu'à elle-même, et c'était précisément pour cela qu'il avait choisi de l'épargner pour faire usage de ses talents de soigneuse.

À en juger par le teint blême qui prit le visage de l'étrangère qui perdit toute détermination jusqu'à en perdre celle de tenir debout, Ymir avait touché la corde sensible. La lame avait quitté la gorge de l'esclave pour se retrouver mollement retenue par une main n'ayant plus aucune prise. Le kelownien savoura cet instant, une lueur de satisfaction traversant ses yeux gris qui pesaient sur la frêle silhouette affaissée de la guérisseuse dans une attitude de désespoir profond dont il était la cause.

Le guerrier se baissa à son tour, s'accroupissant devant la malheureuse femme au regard plongé dans le vide.

- Tu comprends vite. Constata-t-il avec plaisir, tandis que sa main vint empoigner la fine mâchoire de la captive. Tu m'as l'air d'une femme avisée. Enserrant son visage sans ménagement, il le leva vers le sien pour planter son regard autoritaire dans celui de la jeune femme. Il ne tient qu'à toi de leur laisser la vie sauve. Ses doigts se serrèrent davantage et son regard se fit plus insistant encore. Un seul faux pas, une seule insoumission, et leur sang sur ma hache coulera aussi sur tes mains.

DANIKA + YMIR

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Danika a honte de tout ça, d’être aussi faible à cet instant qu’elle se laisse tomber au sol sans même aller jusqu’au bout de ces choses qu’elle souhaitait faire à ce monstre. Elle a toujours été bien plus combattive que cela, à tenir tête à son père lorsque celui-ci souhaitait la voir devenir une guerrière, à tenir tête à sa sœur et à toutes ces choses étranges auxquelles elle croit, à dire à Naveed qu’elle souhaitait attendre leur mariage et ne pas avoir d’enfants. Et même à refuser d’abandonner cet homme sous la tente des soigneurs. Elle aurait dû fuir, peut-être qu’elle ne se trouverait pas ici aujourd’hui, d’autant que l’homme qu’elle avait passé des heures à soigner a fini par se faire tuer par ces mêmes monstres avec qui elle se trouve aujourd’hui. Mais Danika a toujours été une bonne personne, altruiste, attentive et attentionnée avec les autres. Et elle le paye aujourd’hui tandis qu’Ymir menace de tuer les autres si elle ne leur obéi pas.

C’est son point faible, elle est guérisseuse et non meurtrière, pacifiste dans l’âme depuis sa plus tendre enfance et jamais elle n’a poursuivi quiconque avec une arme, que ce soit une vraie ou une en bois. Elle jouait à soigner pour de faux lorsqu’elle était enfant, contrairement à Nadya qui passait son temps à vouloir se battre avec les garçons en leur courant après pour les frapper avec tout et n’importe quoi. Mais elle est bien loin de Tipaza maintenant, de ses amis et de sa famille qui ne doit même pas savoir ce qu’elle est devenue après l’attaque du campement.

Elle relève les yeux vers l’homme tandis qu’il attrape son visage entre ses mains. Il a de la poigne et lui fait mal mais Danika ne dit rien et serre les dents, c’est une douleur qu’elle peut supporter en comparaison d’autres qu’elle a subi deux jours plus tôt. L’homme menace à nouveau ceux enfermés dans la cage et Danika ne peut que déglutir, maudissant tous ces hommes sur plusieurs générations. « Vous êtes un monstre. » Cela ne changera rien au reste mais elle l’exprime quand même. Elle garde ses yeux rivés sur cet homme. « Et je ne donnerais pas à ce porc la satisfaction de m’entendre crier à nouveau. » Elle a bien vu que ça semblait lui faire plaisir de la voir se débattre. Alors même si pour sauver la vie de l’une de ses camarades elle doit retourner sous la tente de ce porc, elle ne fera rien qui pourra le contenter. « Un jour vous paierez pour tout ça. Vous brûlerez dans l’enfer du désert. » Peut-être que les esprits dont sa sœur parle depuis des années finiront par leur faire payer aussi.

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Sa main encadrait sans aucune difficulté la fine mâchoire de la captive dont il aimait voir le visage déformé par la crainte, la colère et l'appréhension, surtout quand il en était l'instigateur. Ses traits délicats et sa fine silhouette meurtrie contrastaient avec l'allure solide et brutale du guerrier qui, à côté de cette figure féminine aux mœurs civilisées, rabaissait sa condition à celle d'un animal. Mais cette dernière était celle qui épanouissait le plus Ymir. Tout chez lui n'était guidé que par son instinct et ses pulsions, lui ayant valu le titre de Chef de Guerre avant celui de Meneur de la Dissidence. Les terres hostiles du nord imposaient un mode de vie brut, prônant la survie avant la démocratie, et Ymir y avait toujours trouvé son compte, au grand dam de celle qu'il maintenait face à lui et dont l'insulte le fit simplement rire. Un monstre, disait-elle ? Elle en avait pourtant vu si peu de lui...

- Ça ma belle, pour ce que j'en ai à foutre... Peu lui importait qu'elle crie ou non sous Thjazi, bien qu'à vrai dire, il riait intérieurement en imaginant la frustration de cet abruti incapable de faire réagir sa propre esclave. Mais qu'elle pleure, qu'elle se taise ou hurle de douleur, de chagrin ou de plaisir, cela lui était bien égal tant que cela ne le concernait pas. Faisant couler son regard sur le visage qu'il maintenait toujours, Ymir l'imaginait cependant réagir tout autrement face à lui, tandis qu'elle le maudissait avec le reste de ses guerriers.

- J'ai bien d'autres préoccupations pour l'instant, ton enfer devra m'attendre encore un peu. Sa main rejeta enfin la mâchoire rougie de l'esclave devant laquelle il resta accroupi. D'ici là, tu vivras le tien et, fais-moi confiance, je peux te le rendre bien pire qu'il ne l'est maintenant. Son sourire mesquin laissait trancher ses dents blanches sous la barbe sombre qui dissimulait les angles vifs de sa mâchoire. D'ailleurs, tu ferais mieux de retourner à ce pour quoi tu es encore en vie, avant de découvrir quel "monstre" je peux vraiment être.

DANIKA + YMIR

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Non, elle ne lui donnera pas ce plaisir à ce porc et elle continuera à le maudire silencieusement à chaque fois qu’elle le verra. Lui et tous les autres hommes de ce campement. Elle garde les yeux posés sur celui qui tient son visage entre ses mains et lui lance un regard plein de haine. Si seulement les dieux pouvaient répondre à ses souhaits à cet instant-là… mais les dieux semblent l’avoir oubliée dernièrement. Elle se frotte la mâchoire lorsque l’homme la lâche enfin et l’écoute lui dire qu’elle vivra un enfer avec eux. Curieusement, elle n’en doute pas une seule seconde, surtout pas après les deux jours qu’elle vient de passer sur la route qui les emmène elle ne sait où. Elle ne comprend pas tout cela, surtout maintenant qu’elle a entendu les rumeurs venant du nord qui annonçaient l’arrivée d’une nouvelle chef de clan chez les kelowniens. Une chef moins barbare, plus à même de faire la paix. Elle ne comprend pas pourquoi ces hommes continuent leurs rafles pour trouver des esclaves maintenant qu’ils ont une nouvelle chef. Mais elle n’ira pas poser la question, pas maintenant.

L’homme lui conseille de retourner à ce qu’on lui a demandé de faire, lui indiquant que c’est pour cette raison qu’elle est toujours en vie. Elle sait qu’elle leur est utile et qu’elle continuera à l’être tant qu’ils n’auront pas d’autre guérisseuse sous la main. Doucement, elle se relève et essuie les larmes qui coulent sur ses joues d’un revers de la main, jetant un regard haineux à l’homme avant de lui tendre ce poignard qu’elle tient. « Inutile de me menacer, je ne ferais aucun mal à vos précieux guerriers. » Elle ne le pourrait pas de toute façon, même si elle le voulait. Elle a promis de guérir les gens et non pas de les laisser mourir, alors elle les soignera même si cela lui arrache le cœur. Elle y mettra peut-être un peu moins de gentillesse et de bonne volonté que si elle devait soigner d’autres personnes un peu plus méritantes que ces guerriers kelowniens. « J’y vais, maître… » Elle grimace, ce n’est clairement pas un mot qu’elle prononcera à nouveau, mais elle le fait là pour lui montrer qu’elle obéira et qu’il peut ranger sa hache.

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Les flammes dansant dans le regard de la captive n'étaient pas pour déplaire à Ymir qui y voyait là de futures occasions de la remettre à sa place et, si cela aurait pu en exaspérer d'autres, lui se faisait toujours un plaisir de prouver sa supériorité à quiconque se risquait à le contrarier.

Il la regarda se relever puis, saisissant le poignard qu'elle lui tendait en même temps que sa main qu'il serra en guise de dernier avertissement, se redressa à son tour. Les paroles qu'elle lui adressa le confortèrent dans la clarté de la situation dans laquelle elle savait à présent se trouver, comme en témoignait le sourire entendu qu'il lui adressait alors qu'elle lui jetait un regard assassin.

- Je préférais m'assurer qu'on s'était bien compris. Sa main resserra son étau avant de libérer celle de l'esclave tout en lui retirant l'arme qu'il glissa à sa ceinture. Ricanant aux mots qui suivirent, il releva son regard vers elle. Attention à ce que tu dis, tu pourrais vite le regretter. La main du guerrier vint lever le menton de l'esclave pour mieux lui faire face. Je vais te garder à l’œil, ma belle.

Son regard s'attarda quelques longues secondes dans celui de l'étrangère avant qu'il ne rompe le contact et ne lui passe à côté, non sans la bousculer. Plus loin devant lui, un Thjazi contrarié lui adressait une œillade accusatrice à laquelle il répondait par un sourire aguicheur.

- Tu ferais mieux de te bouger le cul, nous autres les "monstres" ne sont pas des modèles de patience. Lâcha-t-il sans même se retourner, abandonnant la jeune femme à sa nouvelle et triste existence.