[Saga - Altair] Il était une fois sur Le Ranger...

D’un regard implorant, Altaïr leva les yeux vers le ciel de l’aube où la lune brillait encore en reine. Travailler de nuit n’était pas ce que le jeune mousse préférait. Il faisait froid et la houle était moins facile à gérer. Depuis qu’il était sur pied, ce matin-là, Altaïr s’était attaqué avec un ami, à récurer la rambarde de la proue du bateau, ses mains naviguant entre le seau d’eau glaciale dans lequel il trempait l’éponge qu’il utilisait, et le bois du bateau, refroidi par la nuit. En d’autre terme, le jeune homme avait l’impression que ses doigts allaient se décrocher. Il posa un instant son éponge, alors que son compagnon continuait son récit peu intéressant sur les migrations des poissons, sujet sur lequel il pouvait déblatérer pendant des heures. Altaïr avait fini par arrêter d’écouter ce qu’il disait mais le rythme de sa voie si enjouée, avait quelque chose de motivant alors le matelot trouvait sa compagnie tout de même agréable.

Le jeune homme approcha ses mains de sa bouche et souffla dessus un nuage de vapeur pour les réchauffer quand un raffut le fit sursauter comme si une baleine venait de se cogner dans la coque du Ranger. Les deux matelots se tournèrent avec surprise vers l’origine du bruit mais la pénombre les empêcha de voir vraiment quelque chose. Juste une silhouette au loin. Ce fut la voix du maître d’équipage qui leur révéla son identité :

« C'est rien, les gars ! Tout va bien ! Ce n'est que Sàga. »

Le compagnon d’Altaïr souffla et reprit son travail, mais le blond garda son regard posé sur la silhouette. Mais qui était donc cette femme ? Il n’avait jamais entendu parler d’elle et voilà qu’elle débarquait sur le Ranger en cassant tout.

«  T’en fait pas, Al, elle fait toujours ça, lui affirma son ami. Donc je te disais, c’est fou parce que les thons ne font pas ça normalement, c’est la première fois que… »

Après une dernière œillade vers la fameuse Sàga qui maintenant se baladait sur le navire, zigzagant entre les membres d’équipage, il reprit son éponge, bercé par le documentaire sur les thons de son ami. Si bien bercé, qu’il ne l’entendit pas tout de suite l’appeler, ce fut quand il lui toucha l’épaule qu’Altaïr sortit de sa rêverie. Il tourna la tête vers son compagnon, surpris.

« La folle… Elle t’observe depuis tout à l’heure… »

Il murmurait ce qui n’avait rien de discret puisqu’il avait parlé à voix haute sans discontinuité depuis qu’ils étaient debout. Il lui pointa la femme de la tête avec une sorte de mouvement ridicule des sourcils. Altaïr tourna la tête et aperçut que Sàga l’observait bel et bien, assise sur un tas de cordes. Le jeune homme lâcha son éponge et se leva, essuyant ses mains sur son pantalon.

« Fais gaffe, Al, elle est pas tout à fait nette. » Lui lâcha son ami, qui n’était pas des plus téméraires.

Altaïr ne fit pas attention à ce qu’il disait et s’approcha de la femme, s’adressant à elle des plus poliment possible, même si une sorte de petite anxiété naissait en lui.

« Je peux vous aider ? »

Altaïr s’approcha de la femme qui le détailla avec des yeux inquisiteurs, comme une fouine. Gêné, il passa une main dans sa tignasse blonde comme pour se donner une contenance. Finalement elle lui donna une réponse qui était aussi floue que la raison de sa venue. Elle voulait l’aider ? Et comment, se demanda-t-il. S’assoir sur les cordes qui servaient à manœuvrer le navire et poser ses bottes pleines de boue sur le parquet fraîchement nettoyé n’aidaient clairement pas l’équipage. Il se tourna vers son ami, un regard inquiet dans son sens. Pour seul réponse, le garçon tapa son crane du bout de son index en levant les yeux au ciel, comme pour lui faire comprendre que la fameuse Sàga n’avait pas toute sa tête.

Il ramena sa tête vers la femme et la détailla alors qu’elle s’était mise debout et était à présent à la hauteur du matelot.

– M’aider… ?

Elle ne lui répondit pas, ou plutôt reprit son monologue ignorant royalement la question d’Altaïr. Il ne comprit pas tout à fait ce qu’elle lui disait, c’était comme dans un rêve, même quand il voulait s’accrocher à son discours, les mots ne semblait pas se suivre les uns les autres. Il n’avait pas l’habitude d’entendre parler comme cela, les mots se suivaient normalement chez lui, sans poésie ou métaphore. Et c’était d’autant plus le cas depuis qu’il vivait au sein d’un équipage de matelots au jargon maladroit. Tout ce qu’il comprit – plus ou moins bien par ailleurs – fut qu’elle lui demandait son nom.

– J’m’appelle Altaïr… Que m’voulez-vous au juste ?

Sur la défensive, il fit un pas en arrière. Il n’avait jamais été très à l’aise avec les gens qu’il ne comprenait pas, qui semblaient venir d’un autre monde. Et clairement, Sàga était une créature tout à fait singulière. Il aurait bien mieux aimé qu’elle ne s’intéresse pas à lui, il aurait bien mieux aimé être un matelot quelconque à ses yeux, voire même qu’il ne croise jamais ses yeux mais il semblait que la chamane avait décidé de faire d’Altaïr son nouveau cobaye… A son plus grand regret.