[Priam - Freya] Rendez-vous "professionnel"

Cela faisait à peine quelques semaines que Freya était revenu chez elle, rebâtissant une maison faites de bois, près de l'océan qu'elle aimait tant. L'espionne ne pouvait le nier, ces dernières années d'exil avaient été rudes, et ce n'étaient pas ses cicatrices qui disaient le contraire.
L'odeur du sel se mêlant à l'effluve de l'aurore brumeux, les pleurs des mouettes, le son inlassable des vagues, la sensation du sel se collant à ses pieds. Tout ceci la faisait vibrer d'une énergie positive.
Regardant l'horizon bleuté tout en taillant un morceau de bois, elle se surprit à être enfin à l'aise et de retour "chez elle".
Au fond de son cœur, malgré toutes les armures qu'elle avait posé autour de son palpitant, le son de la mer réussissait toujours à l'émouvoir, si bien que chaque vague qui se fracassait contre les falaises abruptes, ramenait Freya en enfant insouciante.

Quelques jours après qu'elle eut fini de s'installer, alors qu'elle était tranquillement en train de cuisiner, elle reçut une missive, faite d'un papyrus fin, sentant légèrement le poisson, scellé avec un le sceau officiel des Pankaras.
Le blason ne pouvait signifier qu'une chose, une affaire officielle concernant une affaire politique.
Freya remercia le coursier et décacheta la lettre d'un geste méthodique et délicat, sans abîmer le sceau. Son regard bleuté parcourut le bulletin, et pendant un instant elle se raidit.
C'était une convocation de la part de Priam, le chef du clan Pankara. Elle savait très peu de chose sur lui, elle ne s'y était pas vraiment intéressée jusqu'à présent, mais son invitation était une occasion en or pour se rapprocher et apprendre certaines choses sur le clan, le pouvoir, ou une potentielle victime.
Or, en relisant la lettre, Freya se rendit compte qu'il faisait explicitement appel à ses services, ce qui en soit la contrariait, puisque cela voulait dire que son arrivé n'était pas passé inaperçu.

Elle rentra dans sa modeste chaumière afin de s'apprêter, sortant une robe noire à col large qui laissait apparaître ses épaules blanches. Elle fit deux petites tresses se rejoignant derrière au centre afin de dégager son visage et laissa le reste de sa chevelure blonde virevolter dans l'air marin.
Freya finit par amener autour de son cou son pendentif marin, un cœur en argent entouré de deux pattes de crabe.
Finalement, elle s'arma d'un petit poignard caché dans sa manche gauche, par pure précaution, même si elle savait qu'elle ne pourrait se défendre contre épées ou haches.

L'espionne se dirigea donc à l'endroit du rendez-vous, encapuchonné sous sa lourde cape noire, elle frappa à la porte, avec méfiance et s'armant de son sourire assuré.

Ce fut effectivement Priam qui lui ouvra la porte et la verrouilla derrière elle, regardant rapidement autour d'elle, elle le salua et se présenta.
Elle remarqua rapidement un couteau sur la table, posant de nouveau son regard dans celui de Priam, elle reprit son attitude professionnelle, les mains jointes devant elle.

"J'ai cru comprendre que vous aviez besoin de moi. Ne nous faisons pas perdre de temps mutuellement, en quoi puis-je vous être utile ?"

Priam était assez grand, du moins plus grand qu'elle, d'une musculature assez développée certainement par le combat, ce qui lui rappela ses propres cicatrices sur ses bras. Son visage était forgé par les combats également, mais cela n'affectait pas sa beauté, bien au contraire, cela lui donnait une allure de guerrier fort séduisant ma foi.
Des yeux azurés ornaient son visage carré, lui-même encadré par une chevelure retenu en tresse.
À vrai dire Freya était assez perdue, elle ne savait pas trop quel âge lui donner, mais ce qu'elle savait c'est que vu sa posture et sa détermination dans son regard elle avait affaire, à un vrai chef de clan. Le genre de chef prêt à tout sacrifier pour le bonheur de son clan, cela était honorable, bien que Freya trouvait cela stupide de se sacrifier pour des inconnus même de son propre clan.
La criminelle restait droite et fière tentant de ne rien faire transparaître ni dans sa démarche ni dans son visage, ses intentions ou ses sentiments, regardant et détaillant simplement Priam comme une lionne observerait sa proie.

Freya s'était assise, selon l'invitation de Priam qui avait repris son petit couteau, qu'il faisait danser sous ses doigts. Tout deux étaient maintenant assis, l'un face à l'autre, il répondit à son interrogation tout en passant sa main sur sa barbe brune.
Il laissa un blanc s'installer entre deux phrases, il dévisagea la criminelle pendant quelques secondes qui paraissaient être une éternité pour Freya, elle sentit une légère tension qui la força à se raidir, comme un réflexe d'attaque qu'elle refoula immédiatement. Elle avait l'habitude d'être observée, mais rarement d'une telle intensité.
Elle se racla la gorge puis il continua à exposer le pourquoi de sa venue, l'espionne ne put s'empêcher d'avoir un sourire amusé lorsqu'il eut fini de lui expliquer.
La criminelle resta un temps à fixer le chef de clan, tout en souriant, elle se leva tournant autour de la table, observant le nouveau décor dans lequel elle se trouvait, détaillant chaque objet puis elle prit la parole.

"Cela m'étonne que vous n'ayez pas déjà réglé le problème vous même...
Vous voulez donc que j'espionne les membres de votre conseil ? Vous n'avez pas une idée de personne précise qui vous en voudrait ?"

Elle se retourna vers lui, mains jointes devant elle, lâchant un petit rire faux.

"Enfin... J'imagine que beaucoup vous veulent mort... "

Freya finit son tour de table, tout en faisant glisser sa main droite sur la table en bois et vint se rasseoir à côté de Priam.

"Je ne vois pas d'inconvénient à faire cela, mais... Que m'offrez-vous en échange de cette mission, plus que risquée pour ne pas dire complètement inconsciente..."

La réponse satisfaisait l'espionne, elle prit une légère inspiration. Pour l'instant, elle était maîtresse de la partie, même s'il ne lui accordait pas ce qu'elle voulait Freya était en droit de refuser ce contrat. Cela lui plaisait de le savoir à la limite de la dépendance de son service, elle le regarda droit dans les yeux, elle allait le faire languir encore un peu avant de lui donner sa réponse :

"Malgré mon métier risqué, je tiens énormément à la vie... Si jamais je venais à être découverte durant ma mission, il va s'en dire que je serais probablement condamnée à mort si je survis jusque-là...."

Elle posa ses deux mains jointes sur la table, puis continua, posément :

"Normalement ça ne sera pas le cas, je suis assez minutieuse en ce qui concerne mon travail... Mais si jamais c'était le cas, je souhaite tout d'abord une immunité totale au sein du clan Pankara, pour cette affaire et d'autres qui suivront probablement..."

Freya pensait que ce qu'elle demandait était trop ainsi elle se permis de rajouter des explications

"Je ne tue pas d'innocents, si c'est là votre crainte..
Et pour mon deuxième paiement, je souhaiterais, une place politique assez importante, qui faciliterait grandement mon travail en tant qu'espionne."

La criminelle ne l'avait pas quitté des yeux, elle le scrutait pour essayer de déceler des manies ou des tics de visage qui trahiraient certaines émotions ou pensées, mais sans grande réussite. Elle devait bien avouer qu'elle n'était pas insensible au charme sauvage du chef de clan.
Elle tenta de ne laisser rien paraître, mais un tremblement rapide sur sa main droite, trahi sa pensée légèrement nerveuse.

Son immunité était garantie, cela déjà, elle en était satisfaite, elle pourrait faire ses affaires au sein du clan sans que personne ne s'attaque juridiquement et politiquement à elle, ce qui était un grand plus non-négociable.
Même si son immunité était valable durant sa vie, elle avait beaucoup plus de chance de mourir avant lui que l'inverse, elle acquiesça silencieusement.
Il se leva afin de faire les cent pas, Freya resta droite tout en le suivant des yeux, la question de son deuxième paiement contraignait ou contrariait visiblement Priam, et elle n'était pas surprise. C'était un paiement lourd qu'elle demandait et elle en était consciente, mais si elle pouvait grimper dans la société, il n'y avait que deux moyens de le faire, la voie légale ou illégal, et pour l'instant elle voulait rester dans la légalité.
Il posa son regard sur la criminelle, et leurs regards se croisèrent un instant, le temps d'un souffle, balayé par la proposition de Priam.
À la tête d'un réseau de maisons closes, cela était intéressant...
Voir plus alléchant qu'une place politique qui l'exposerait éventuellement à certaines querelles insignifiantes et fades. Dotée d'un réseau de prostituées espionnes, elle disposait d'oreilles un peu partout ce qui mettait Freya au centre des informations au sein des Pankaras et cela était un atout formidable qui pouvait lui donner un pouvoir fou au sein du clan, mais également auprès des autres clans.
Elle se leva à son tour, droite et muette. Réfléchissant quelques secondes, elle se figea tel une statue de marbre, elle pesa le pour et le contre, les avantages et les inconvénients que son accord lui apporterait avec Priam.
Au bout de quelques instants, elle se retourna vers Priam, s'approchant de lui d'une démarche, assurée, balançant ses hanches au rythme de ses pas.

"Vous devez être à la limite du désespoir pour m'accorder de si grands pouvoirs...
Priam, chef du clan Pankara, faire appel à une espionne et criminelle reconnue..."

Elle se trouvait à peine à un mètre de lui, son visage fermé ne laissait rien transparaître, son sourire s'effaça pour laisser place à une apparence plus sérieuse, son ton devint plus ferme et froid.

"J'accepte votre proposition. Quand j'aurai découvert le coupable, que voulez-vous que je fasse ? Que je vienne vous prévenir ou que je m'en charge moi-même ?"

Freya était surprise que Priam ne réagisse pas aux quelques pics qu’elle lui avait envoyé sans retenue, mais sa surprise cacha à la fois une petite déception et une grande curiosité à son égard. Pour une fois qu’un homme ne se sentait pas offusqué, qu’une femme puisse régler ce que lui ne pouvait pas faire.
« Faire le nécessaire » la criminelle avait dû apprendre bien vite à éliminer des gens avant qu’ils ne l’éliminent, dans le monde d’aujourd’hui, c’était tuer ou être tué, encore plus dans sa branche de métier.
Priam souhaitait avant tout régler le problème par lui-même, et en cela aussi, il se démarquait de ses nombreux clients qui souhaitaient avant tout que le problème soit réglé et que le sang soit sur les mains autres que les leurs.
Elle ne prendrait pas de risques inutiles, mais dans la mesure du possible elle allait ramener sa proie jusqu’à son prédateur, regardait la mise à mort allait également être plaisant. L’eau de la mer s’infiltrait dans la gorge puis le nez du condamné jusqu’à le recouvrir totalement de ses vagues, malgré la lenteur de la mort, elle avait une dimension quasi-poétique qui plaisait à Freya, cela était une mort plus honorable que le poison, c’était sûr, mais également plus longue et effrayante.
La criminelle se raidit, subtilement, lorsque Priam prit le couteau entre ses mains guerrières, une dague de très bonne facture, une diversité de métaux différents s'alliait pour ne former qu'une seule lame meurtrière. Elle sourit lorsqu’il lui expliqua le mécanisme ingénieux que le couteau cachait, puis le pris en frôlant volontairement sa main.
Cependant, elle discuta la consigne de Priam, d'un voix douce, mais ferme elle rectifia la consigne :

"Je veux avoir l'immunité dès maintenant."

Freya prit une chaise et s'assit en face du chef tout en continuant sa réclamation :

"Je ne vous connais pas. Et malgré tout le respect, que je devrai avoir pour vous, je n'ai pas confiance en vous. Qui me dit qu'après le travail effectué, vous ne me réduirez pas au silence ? Afin que personne ne sache que vous avez fait appel à une criminelle..."

L'espionne le dévorait du regard, elle ne le craignait pas spécialement, mais elle préférait prendre des précautions contre un éventuel changement de situation, situation plus que courant dans ce genre de marché.

Ce que disait Priam n’était pas bête et elle devait reconnaître qu’il était loin d’être le stéréotype du guerrier idiot,
Elle ne pourrait pas le berner n’importe comment, et pour tout avouer elle n’en avait pas spécialement envie. Sa mort ne tournait pas à son avantage, bien au contraire, mais elle avait une sorte de pseudo confiance qui transparaissait au travers de tout son être
Son visage ne laissa rien transparaître si ce n’est un léger sourire à son égard, Freya le regarda s’asseoir à califourchon sur sa chaise, la scrutant comme si elle était la proie.
Hors, c’était un affrontement entre deux fauves, aucun des deux n'était réellement la proie.
La posture, l’attitude de son adversaire la rendait perplexe, elle n’arrivait pas à distinguer la moindre émotion, anxiété chez lui et cela la frustrait énormément. Pour extérioriser cette frustration elle se leva, d’un geste tonique et sans hésitation, rangea sa chaise comme pour faire de la place, puis elle posa un regard de prédateur sur Priam :

« Je devrai donc faire confiance à « votre honneur » ? De plus vous vouloir mort serait totalement contre-productif pour moi. Comme vous l'avez dit...»

Elle se rapprocha, d’une démarche féline et séductrice :

«Mon immunité s'arrêtera avec votre mort, ainsi vous tuer ne me servirait à rien. Je ne demande pas ma récompense tout de suite, je demande simplement un acompte…»

Freya n’était, désormais, qu’à quelques centimètres du visage de Priam, si bien qu’elle pouvait détailler chaque cicatrice, chaque détail de sa peau, et sentir son souffle chaud dans ses cheveux longs.