La fête de l’Alliance. Kalevi aime beaucoup cette fête, même s’il pense plus souvent à Dastan pendant celle-ci. Chaque jour, il lui semble entrevoir son frère au milieu des festivités, et chaque jour, il se demande s’il est vraiment là. Il y a bien des rumeurs sur ces religions qui parlent d’esprits et d’au-delà. L’espace d’un instant, Kalevi s’est laissé aller à penser qu’il pourrait aller voir cette femme à la peau noire, qui prêche dans le clan shisayo. Mais finalement, il s’est ravisé. Son frère est mort, il est en paix à présent. Et lui est toujours vivant et doit continuer à vivre malgré cela. Depuis la nuit qu’il a passé avec Akeela, le garde à l’esprit troublé. Il se demande s’il avait réellement le droit de faire cela. Il se demande ce qu’en penserait son frère. Il se demande ce que l’Ipa dira le jour où elle apprendra le lien de parenté qui unissait les deux hommes. Et surtout il se demande où cela va les mener à présent. Bien sûr, le garde a gardé la tête froide et s’est montré égal à lui-même durant les jours qui ont suivi. Mais il faudra en parler un jour où l’autre. Et ce moment, Kalevi le redoute un peu.

Pour l’heure, il marche entre les tentes, son regard glissant çà et là pour vérifier que tout va bien et qu’il n’y a pas de problème. Le garde marche, les mains dans le dos, un léger sourire sur le visage, mais s’il semble plutôt décontracté, il est en réalité très vigilant à ce qui se passer autour de lui. Il continue d’avancer jusqu’à finalement arriver au bout de l’espace où les tentes sont installées. Il avance un peu, inspectant les horizons. Il aperçoit d’autres gardes, qui veillent à ce que tout se passe pour le mieux, mais Kalevi aime bien faire les choses par lui-même. Il aura l’esprit plus tranquille. Il continue d’avancer dans les plaines un moment puis finalement, il fait demi-tour. Il revient vers le campement et une fois revenu sur le chemin, il avance un peu jusqu’à se rendre compte qu’un petit animal le suit. Il se tourne et aperçoit un raton laveur. L’animal est plutôt petit, il semble même jeune, et un peu perdu. Il aurait probablement dû avoir peur de l’homme, mais il l’a suivi. Peut-être a-t-il senti le fumet de la viande séchée qu’il a sur lui. Il l’aperçoit donc, essaie de le faire fuir puis se tourne pour reprendre sa route. Mais il continue à entendre l’animal qui s’avance derrière lui. A deux reprises, il tente à nouveau de le faire fuir. Au bout de la quatrième fois, le jeune homme s’agace un peu : « Mais bon sang, tu vas retourner à ta vie dans les plaines oui ? ». L’animal se tasse un peu sur lui-même mais ne s’enfuie pas, fixant toujours Kalevi.

Kalevi regarde cet animal qui le suit depuis déjà plusieurs minutes en dépit de tous ses efforts pour le faire fuir. Il a probablement été aperçu par d’autres gens, mais pour le moment il s’en fiche, il voudrait juste que le raton laveur s’en aille. Mais celui-ci n’a pas l’air de vouloir partir, même quand Kalevi hausse un peu le ton contre lui. L’animal se contente de le fixer, avec ses grands yeux et ses oreilles dressées. Il se frotte même un peu le museau entre ses pattes avant qui ressemblent beaucoup à des mains comme pour lui montrer que non, il ne s’en ira pas. Alors le garde se demande silencieusement ce qu’il a fait pour mériter ça. Un rire se fait soudain entendre et Kalevi se tourne pour voir qui se permet de rire de la sorte. Très vite, la jeune femme qui vient d’arriver prend la parole pour se moquer de lui. Il n’a pas de mal à la reconnaître. C’est Noomie, l’une des membres de la garde de Nukka, la chef d’orketa. Ils se sont déjà rencontrés notamment lorsqu’Akeela s’est déplacée à Alon pour offrir un présent à la chef de clan. Il sourit un peu amusé et lui répond : « C’est l’objectif de ces festivités non ? ». Il rit un peu. L’animal lui, s’est réfugié derrière les jambes du garde, effrayé par l’arrivée soudaine d’une autre personne.

Il le regarde un peu septique avant de redresser le visage pour regarder Noomie à nouveau. Il reprend la parole pour dire : « Bien que j’aurais préféré que cela soit des humains… ». Même si concrètement, Kalevi n’est pas là pour ça. Il a revu ses parents avec plaisir, et certains de ses vieux amis. Durant quelques instants, Kaveh a refait surface. Mais il a aussi beaucoup évité que ses deux univers n’entrent en collision. Parce qu’il est avant tout là pour veiller sur Akeela et sur l’ensemble des gens présents. Il fait craquer un peu sa nuque et lui dit : « Noomie… Quel plaisir de te revoir ! ». Il lui sourit. Cela lui fait plaisir de revoir la jeune femme. Bien sûr, il a entendu parler d’elle et de ses bizarreries. Mais cela ne le concerne pas. Il ne s’inquiète pas pour Nukka qui a d’autres membres dans sa garde et qui sait très bien se défendre. Alors il apprécie la garde pour ce qu’il sait d’elle et ne laisse pas les rumeurs influencer son jugement. Finalement, il demande : « Comment vas-tu ? ».

Très vite la garde de Nukka se moque de lui et il ne peut s’empêcher de sourire amusé. Après tout, il n’est pas du genre à se prendre la tête ou à se penser plus important qu’il ne l’est. Alors ça l’amuse de l’entendre se moquer de lui de la sorte. Et il n’hésite pas à répondre : « Ah tu crois ? Je crois qu'il est littéralement amoureux de moi, de toute évidence je suis l'humain de sa vie ». Et quand elle lui dit qu’il pourra faire des rencontres, il rit un peu et dit : « Je n'ai pas le temps pour ça » et surtout pas l'envie, mais ça il ne le dira pas. Même s'il ne sait pas encore ce que cela va devenir avec Akeela, au moins, il y a quelque chose. Et s'il n'y avait rien alors il recommencerait simplement à faire ce qu'il faisait avant. Aller à la taverne de temps en temps, draguer une fille, la ramener chez lui, et la laisser partir le lendemain matin. Comme il l’a toujours fait. Pas d’attache, il n’a pas le temps pour ça, sa seule priorité, sa seule raison de vivre c’est Akeela.

Puis, elle relève avec une certaine pointe de malice qu’il n’est pas avec sa protégée. Alors il lui explique : « Je faisais un tour de reconnaissance, je l'ai laissée avec d'autres gardes » il sourit un peu amusé, mais il y a quand même une certaine inquiétude dans sa voix. Il n'apprécie pas de s'éloigner d'elle. La dernière fois qu'il s'est éloigné d'un Ipa, il l'a perdu. Une seule fois. Et son frère est mort. Il l'a perdu, il a failli à sa mission. Alors il déteste s'éloigner d'Akeela. Il entend ce que lui dit Noomie et rit un peu tout en rétorquant : « Et j'adore l'agacer et l'exaspérer c'est la meilleure partie de ce travail. Je ne sais pas si c’est le cas pour Nukka, mais c’est tellement facile avec Akeela ». Il rit à nouveau. Il se moque un peu, mais il est attaché à elle, réellement. Et il sait qu’il est trop exigeant, en permanence et qu’il s’inquiète de tout ce qui peut vraiment l’agacer. Il sourit à nouveau puis précise : « Mais en fait c'est un écureuil, un foutu écureuil des plaines m'a terrassé... Cet animal était probablement malade, tu ne devrais peut-être pas t’approcher ». Il sourit en coin sans avoir honte. Kalevi n'est pas chasseur, il ne sait pas se débrouiller avec les animaux. Et s'il peut être impressionnant avec une arme à la main, de toute évidence il n'effraie pas la faune de cette planète. Il suffit de regarder l'animal qui est en train de faire sa toilette derrière ses jambes. Il roule des yeux en regardant la boule de poil puis dit : « Remarque... Comme je ne saurais pas m'en occuper, il mourra, je récupérerais sa fourrure pour en faire un col puis je le ferais cuire ». Oui, finalement, ce n’est pas si mal. Cependant il demande : « Tu ne saurais pas à tout hasard ce que ça mange ? ». Il redresse son regard sur elle.

Noomie et lui se ressemblent beaucoup. Ils ont les mêmes objectifs, les mêmes façons de penser et de travailler. D'ailleurs, elle reprend la parole et Kalevi l'écoute puis acquiesce en répondant : « Impossible même ». Kalevi avait déjà du mal à prendre des pauses avant l'incident. Maintenant, ce n'est plus la peine. Il adore l'océan, mais il n'envisage plus d'y retourner, de s'éloigner d'Akeela. Il le fait parfois, mais quand il n'a pas le choix, ou quand il doit faire quelque chose qui assurera sa sécurité. Mais il n'est jamais bien tranquille. C'est probablement sa punition pour avoir failli à sa mission une première fois. Mais ça, il n'en parlera pas, c'est une évidence.

Puis, il lui parle de sa relation avec Akeela, sur le ton de l'humour, mais c'est très sérieux, bien sûr. Elle répond et Kalevi perçoit bien l'envie dans sa voix. Il reste un instant songeur et répond : « Ce n'est pas toujours une bonne chose... Je pensais que tu t'entendais bien avec Nukka, ce n'est pas le cas ? ». Cela complique aussi beaucoup les choses. Il apprécie l'Ipa pour la valeur qu'elle a pour l'Alliance et pour la paix. Il la protège pour sa mission. Mais il l'apprécie aussi d'une façon bien plus affective. Il aime cette jeune femme et ne supporterait pas de la perdre. Et d'une certaine façon, c'est une faiblesse. Elle reprend la parole et il grimace un peu. Il en rira bien mais il se contente de dire : « C'est de l'inconscience... ». Il y a une certaine colère de sa voix, il n'apprécie pas tellement ces mises en dangers régulières.

Cependant, il repose un regard plutôt détendu et drôle sur Noomie. C'est son rôle de réussir à l'empêcher de se mettre en danger. Il doit le faire et parfois, il échoue. Et un jour, elle mourra à cause de ça, elle mourra à cause de lui. Et il ne le supportera pas. Mais il se force à penser à autre chose, parce que déjà, l'angoisse monte. Il rit un peu à sa question et dit : « Tu rigoles ? C'était une bête féroce et enragée ! Avec des griffes immenses et acérées. Rapide, agile... » il sourit amusé et ajoute : « Et il se pourrait que je vieillisse un peu ». Ce qui n'est pas le cas. Il est un bon guerrier et il s'entraîne quotidiennement pour le rester et pour fournir la meilleure protection possible à Akeela. Mais il plaisante et il en rit à nouveau d'ailleurs.

Elle répond à sa question pour l'animal qui semble s'être attaché à lui. Carnivore, mais il peut également manger des baies ou des fruits. C'est une bonne chose. D'ailleurs, elle lui lance un fruit sorti de son sac. Kalevi l'attrape sans difficulté et la remercie d'un signe de tête. Il sort sa dague pour le couper en quatre puis s'accroupit et tend un morceau de fruit. L'animal renifle puis l'attrape entre ses mains pour le renifler à nouveau avant de le manger. Kalevi sourit un peu puis se relève et dit : « Pas mal... Tu sais si un jour tu veux changer d'air.. Viens à la citadelle, j'aurais du travail pour toi... ». Il ne doute pas qu'elle saurait se rendre utile. Et il n'aurait aucun mal à l'intégrer à la garde de l'Ipa. Il sourit un peu amusé.

Assez vite, elle répond en généralisant, sans lui parler réellement d'elle. C'est une façon de ne pas trop parler d'elle, Kalevi connaît bien ça. Il est habitué à en faire de même, à ne pas trop s'impliquer. Ou alors, il tourne les choses à la dérision, mais c'est toujours une façon de se protéger et de ne pas trop parler de lui. Il ne parle jamais de son passé ou de sa famille par exemple, c'est proscrit. Et il ne parle pas tellement de sa relation avec Akeela en général. Il ne parle pas beaucoup. Mais Noomie est comme lui, si quelqu'un peut le comprendre, c'est elle et ça, il le sait. Il n'a pas besoin de la connaître depuis des années pour le ressentir. « Je ne la connais pas beaucoup, mais en tout cas, elle en a l'air oui ». Il sourit à nouveau et ne cherche pas à en savoir plus. Si elle veut aller plus loin sur le sujet, elle le fera, sinon il n'ira pas chercher. Ce n'est pas son genre. Enfin si, ça l'est, mais Noomie n'est pas un danger pour Akeela, enfin pas dans l'immédiat en tout cas. Elle répond ensuite à son commentaire sur la vieillesse et cela fait rire le garde de l'Ipa. Bien sûr qu'il n'est pas si vieux. Il répond : « Impossible... ». Il lui adresse un clin d'œil. Manquer d'entraînement serait une grave erreur. Mais il dit : « Mais cette petite créature était sacrément rapide, il faut bien l'avouer ». Difficile à contrôler, même pour des chasseurs aguerris, il n'en doute pas.

Elle lui donne des conseils pour l'animal et lui donne un fruit qu'il commence à donner à l'animal avant de faire une proposition à la jeune femme. Elle lui répond assez vite et ça le fait sourire. Bien sûr, il n'en attendait pas moins. Cela aurait été très étonnant qu'elle accepte. C'est une preuve de loyauté, et Kalevi apprécie beaucoup ce qu'il entend d'ailleurs il répond :« C'est tout à ton honneur. Et je souhaite que cela n'arrive jamais ». Parce qu'il sait ce que ça fait et s'il n'y avait pas eu Akeela et une promesse tacite faite à son frère, il ne serait sans doute pas là pour lui parler. Finalement, elle lui proposer d'aller fêter cette nouvelle amitié. Il ne sait pas bien si elle parle de la leur ou de cet animal mais peu importe. Il sourit et dit : « Pourquoi pas ! On aura profité au moins un peu de ces dizaines d'alcool venu de tous les clans. Ca serait dommage de ne pas le faire du tout... ». Bien sûr, il n'abusera pas. Il restera alerte et près à réagir au moindre danger, mais il peut bien prendre une pause. Au moins un peu. Il regarde l'animal et se dit que s'il reste, il va devoir lui trouver un prénom. Et ça, ce n'est pas gagné. Kalevi n'a pas une grande inspiration pour ce genre de choses. Son cheval, cadeau de son frère, était déjà nommé quand il lui a offert... Il finira bien par trouver. Finalement il se redresse et entraîne Noomie en direction de la taverne improvisée au milieu des plaines en espérant que l'animal ne suivra pas. Mais bien sûr, il s'entête et les suit, à bonne distance cependant, se méfiant toujours de la jeune femme.

Noomie est partante pour essayer les alcools qui nous viennent d'autres clans. Alors ça promet d'être amusant. Cela sera aussi moins angoissant de profiter un peu s'il n'est pas tout seul. Kalevi est satisfait de voir que la jeune femme est d'accord. Ils prennent donc la direction d'une taverne improvisée. Noomie lui signale qu'il va devoir faire de la place dans la tente à son nouvel animal et même lui trouver un prénom. Alors il répond : « Je crois bien oui. Je n'aurais pas le choix » en regardant l'animal qui les suit, tout en jetant des regards méfiant à la femme qui les accompagne. Kalevi secoue la tête un peu exaspéré et ajoute songeur : « Un prénom... Comme M. Annoying ? ». Il rit un peu, mais sait très bien qu'il devra trouver un nom plus adapté.

Elle complète qu'il faudra qu'il montre qui est à lui avec un petit nœud par exemple. Kalevi avise l'animal et se dit qu'il préférerait lui peindre une cible sur le corps. Mais bon, le garde n'est pas assez cruel pour ça. Il sourit un peu et dit : « Si tu veux mon avis, il ne sera jamais très loin de mes jambes. Ça risque même d'être vraiment pénible à la longue... ». Mais elle a raison. Il lui trouvera bien quelque chose pour qu'on ne le confonde pas avec un animal sauvage. Une fois à la taverne, il s'approche et dit à la tavernière : « Nous prendrions bien un peu d'alcool shisayo ». Elle leur sourit et acquiesce elle leur expliquant qu'il est fabriqué à base de cactus, elle leur sert deux verres et accompagne l'alcool de petits criquets grillés. Kalevi considère les insectes quelques secondes, puis regarde Noomie : « Honneur aux dames » et il sourit en coin, amusé.

Kalevi vient de renoncer à une ronde pour un verre. Mais s’il le fait c’est parce qu’il sait que la sécurité est bien réglé. Tous les clans ont veillé à avoir des guerriers et des sentinelles tout autour de la zone de festivités pour prévenir toute attaque ou tout danger qu’il soit humain ou animal. Il ne faudrait pas voir débarquer un ours enragé au milieu d’une population ne vivant que de bière et d’hydromel. Cependant, c’est tout de même rare de le voir décrocher du travail, et il se dit que pour une fois, il pourrait en profiter un peu. Il la regarde observer l’animal puis remarquer qu’il pourra prendre soin de lui. Kalevi sourit amusé et lorsqu’elle rajoute une autre idée, il sourit de plus belle. Il commence par répondre : « Eh bien le pauvre a du boulot devant lui » avant de compléter : « Mais je crois qu’il pourrait faire un bon plan B ». Un appât, ou une diversion. Pourquoi pas après tout. Il faudra bien qu’il se rende utile.

Avec les boissons arrivent des petits crickets grillés et si Kalevi est plus que tenté par le verre qui trône à présent devant lui, les insectes ne lui font pas vraiment envie. Il n’est pourtant pas du genre trouillard, mais il y a des expériences qu’il hésite toujours un peu à tenter. Alors qu’il tente de jouer la carte de la galanterie, Noomie lui demande s’il a peur de goûter. Avant qu’il n’ait eu le temps de répondre, elle propose quelque chose. Alors il l’écoute avec attention. Elle propose de jouer le premier qui mangera les insectes. Et ce n’est bien évidemment pas à un jeu d’adresse ou de hasard qu’elle pense, plutôt à un jeu de vérité. Kalevi n’apprécie jamais trop ce genre de jeu. Au début, c’est plutôt facile de se dépêtrer des questions gênantes mais après quelques verres, cela devient plus compliqués. Cependant, il ne peut pas se débiner, alors il dit : « Pourquoi pas… ».

Il sourit amusé réfléchissant un peu à ce qu’il pourrait bien demander. Il a bien des idées, mais il ne veut pas non plus se montrer trop indiscret. Alors il commence par une question facile : « Qu’est-ce que tu penses découvrir comme mystère dans les réponses que je pourrais te donner ? ». On ne sait jamais, elle pourrait avoir envie de découvrir certaines choses que lui ne souhaite pas divulguer. Et cela lui permettra de se préparer, de savoir à quoi s’attendre.

Étrangement, Kalevi sent que cette histoire ne va pas lui convenir. Qu’il s’engage sur une route qu’il ne devrait pas arpenter. Et silencieusement, il se dit qu’il n’est pas prêt d’inviter une autre connaissance à prendre un verre. Avant, il se serait sans doute contenté d’une fille de passage de temps à autre, histoire de se détendre, mais maintenant les choses sont différentes. Il n’y aura plus que son travail et Akeela. Plus rien n’aura d’importance si c’est pour se retrouver dans ce genre de situation à nouveau. Il a beaucoup trop à perdre. Même s’il semble pouvoir faire confiance à Noomie, il sait que ce genre de choses une fois éventé finit toujours par se savoir. Cependant, il lance le jeu parce qu’il ne peut plus faire machine arrière à présent. Il pose la première question, puis l’écoute lorsqu’elle commence à lui répondre.

Lorsqu’elle lui demande s’il cache des choses intéressantes qu’elle pourra découvrir aujourd’hui, Kalevi sourit un peu amusé et mystérieux sans répondre pour autant. Il ne lui dira pas, puisque dans un cas comme dans l’autre la réponse sera mauvaise. S’il lui dit non, elle risque de ne pas le croire, s’il lui dit oui, cela pourrait attiser sa curiosité. Elle reprend la parole pour le rassurer en lui disant qu’elle ne le forcera pas à avouer et ne cherchera pas à le coincer. Mais le fait est que s’il refuse, cela voudra forcément signifier quelque chose. Il sourit un peu et lui dit : « Me voilà rassuré alors » avec un nouveau sourire amusé. De son côté, il est évident qu’il en fera de même. Il n’a aucun intérêt à la pousser dans ses retranchements. Lorsqu’elle pose une question à son tour, Kalevi retient sa grimace. Bien sûr, il fallait commencer quelque part. Si elle avait commencé par sa famille, il aurait menti aussi dans le fond. Alors il répond : « J’étais guerrier avant de devenir garde, mais je n’ai pas trouvé là-bas les réponses que je cherchais... Quand je suis rentré chez moi, blessé, après une bataille contre les sengolis, j’ai entendu dire que le nouvel Ipa était de mon clan. Alors j’ai rallié la citadelle pour changer de vie ». Ce n’est pas totalement un mensonge dans le fond, n’est-ce pas ? Il y a ici une grande partie de la vérité et quelques omissions. Comme le fait que le nouvel Ipa était son frère. Il boit une gorgée de son verre puis se redresse un peu. C’est à son tour de poser une question, il pourrait bien lui retourner la même question, mais cela ne serait pas drôle. Alors il demande : « Tu es originaire d’Orketa ? ».

Kalevi va devoir la jouer fine pour ne pas attirer de soupçons. Il ne veut pas parler de sa vie, de son passé, parce qu'il ne veut pas se rappeler Dastan. Il y pense déjà bien assez pour ne pas en rajouter. Pourtant son frère fera toujours partie de lui, et sa mort fera toujours partie de ses blessures. Ce genre de blessures qui ne se ferme jamais vraiment. Et les regrets ainsi que la culpabilité ne disparaîtront jamais. Mais il ne peut pas prendre le risque d'être banni de la Citadelle si l'on apprenait qu'il a enfreint des règles. Même s'il n'est pas sûr de l'avoir fait. Après tout, Dastan était déjà Ipa quand ils se sont retrouvés... Et seuls les apprentis n'avaient pas le droit de voir leur famille, non ? Il n'est pas sûr de tout cela. Mais dans le doute et parce qu'il ne veut pas que l'on le prenne pour un traître, Kalevi préfère se taire sur tout ça. Kaveh n'existe plus.

Alors lorsqu'il lui explique pourquoi il est devenu garde de l'Ipa, il élude certaines parties de l'histoire mais ce n'est pas un mensonge. Oh non, loin de là. A mon tour, il lui pose une question baissant les yeux pour vérifier que le raton laveur n'est pas en train de faire une débilité, mais l'animal est assis sous le tabouret haut sur lequel il est installé et semble très occupé à nettoyer sa fourrure. Il relève donc le regard sur Noomie alors qu'elle commence à lui répondre. Elle lui dit qu'elle est née dans un village suspendu à l'est d'Alon et lui demande si il en a déjà vu. Il acquiesce un peu. Lorsqu'Akeela est devenu l'Ipa, ils ont fait le tour des clans, et il a eu l'occasion de voir un village suspendu d'Orketa. Un magnifique village, avec des habitations vraiment superbes. Il ne regrette pas le voyage. Elle précise ensuite qu'elle a passé beaucoup de temps à Alon et dans un autre village plus au sud, mais qu'elle a passé toute sa vie en Orketa. C'est un clan agréable, Kalevi en convient c'est certain. Alors il dit : « Les forêts regorgent de merveilles... Je peux comprendre que tu aies eu envie d'y rester... ».

Parfois, l'océan lui manque. Heureusement, la Citadelle est également au bord de l'océan alors il peut s'y rendre de temps en temps. A son tour, elle repose une question et il sourit un peu alors qu'elle ajoute une précision sur la place qu'il va devoir faire pour son nouvel ami. Il rit un peu et dit : « C'est enrichissant... Il y a toujours des gens nouveaux à découvrir, des histoires à entendre et des choses à apprendre ». Pour sa part, il apprécie de passer du temps avec les guerriers des différents clans, il s'entraîne avec eux pour parfaire ses techniques et se perfectionner. Il reprend la parole et dit : « Mais parfois... C'est difficile de savoir à qui on peut faire confiance. Les gens de passages sont difficiles à cerner et j'ai parfois du mal à laisser tous ces inconnus s'approcher d'elle... ». Il parle bien sûr d'Akeela. C'est toujours difficile d'assurer son travail quand elle se retrouver au milieu d'une foule de gens qui sont parfois de passages et dont on ne connaît rien. Finalement, il ajoute : « Je lui préparerais un tiroir dans ma commode. Je suis sur qui sera du genre à aller se mettre partout où il ne doit pas le faire... Les recoin confortable spécialement fait pour m'embêter... ». N'est-ce pas ? Il sourit un peu et réfléchit à la question qu'il va lui poser. S'il parle de sa famille, cela pourrait ouvrir les hostilités sur sa propre famille. Alors à la place il demande : « Si tu n'étais devenu garde, qu'est-ce que tu aurais fait d'autre ? ». Après tout, elle n'était peut-être pas destinée à être garder ? Il croit savoir qu'elle est entrée dans la garde à la suite d'un événement précis même s'il ne sait pas bien quoi. Alors il est curieux.

Ce jeu sera peut-être un peu plus décontracté qu'il ne le pensait. Si ils peuvent s'amuser un peu sans aller du côté des fantômes du passé et des histoires familiales alors pourquoi pas. Cela leur fera passer le temps. Après tout, même si c'est compliqué pour eux, ils peuvent quand même s'amuser un peu. Ils ont le droit aussi. Mais il sait ce que cela pourrait leur couter, ce qui ne l'aide pas vraiment à se décontracter. Il boit son verre profitant de la brûlure de l'alcool. Il n'en boira pas quinze pour garder l'esprit clair, mais un ou deux verres ne lui fera pas de mal. Elle lui explique qu'elle ne pense pas pouvoir quitter son clan un jour. Il sourit et lui dit : « Et c'est tout à ton honneur ». De son côté il ne peut pas vraiment dire ça. Il a déjà quitté son clan parce que son frère était ailleurs. En réalité, c'était le plus important pour lui. Aujourd'hui, c'est Akeela qui est sa priorité. Si Akeela quittait la citadelle, alors il quitterait aussi la citadelle, sans se retourner. Il est loyal à une personne plus qu'à un clan. Il est loyal à une conviction, à une idée et un foyer peut s'établir n'importe où pour lui.

La conversation se poursuit et Kalevi est très attentif à ce qu'elle dit. Elle le comprend. Il sourit un peu, il s'en doutait un peu, cela ne l'étonne pas du tout. Les gens qui représentent un danger sont tellement nombreux. C'est vraiment dur de pouvoir cerner tout le monde. Il acquiesce un peu et dit : « Il est même parfois plus dur de faire confiance à ceux qui travaillent avec nous qu'aux inconnus... ». La trahison vient parfois de là où on ne l'attend pas. De l'intérieur. De là où on avait confiance. Depuis la trahison du conseiller, Kalevi ne peut plus faire confiance même à ceux avec lesquels il travaille. C'est tellement dur. Elle répond ensuite à sa question. Il apprend qu'elle était chasseur avant d'entrer dans la garde et qu'elle le serait probablement encore si elle n'avait pas croisé la route de Nukka. Il rit un peu quand elle dit qu'elle aurait pu être dévorée par un ours aussi. Puis, elle pose une question qui le fait rire à nouveau, parce qu'elle se moque des plaies à son visage. « Oh ça je ne te le fais pas dire ». Il rit à nouveau.

Lorsqu'elle pose une question plus abstraite, il reste un instant là, songeur. Etre à la fête de l'Alliance avec deux nouveaux clans... Ça c'est clair, personne n'aurait pu réellement s'y attendre. Akeela aura réussi à faire ce que Dastan souhaitait faire. Il doit être fier. Lorsqu'elle lui demande ce qu'il pense de l'entrée de Kelowna dans l'Alliance, son regard s'assombrit un peu. Il va répondre bien sûr. Il inspire un peu et soupire avant de dire : « Je n'aime pas ça... Il est bien trop facile de balayer des siècles de barbarie de la main sous prétexte que la nouvelle chef de clan est pacifiste ». Je soupire un peu à nouveau. De trop nombreux Pankaras sont tombés sous les haches des guerriers du nord. Il rajoute : « Mais... On n'a pas réellement notre mot à dire dans tout ça n'est-ce pas ? ». Il la regarde et hausse un peu les épaules puis finalement, dans un sursaut de courage, il attrape un criquet grillé et le croque. Il ferme un œil en le faisant, mâche un peu, l'animal grillé croustillant sous la dent puis avale. Il reste un moment confus par ce qui vient de se passer dans sa bouche et finalement jette le reste de l'insecte dans sa bouche pour le terminer puis dit : « Vraiment particulier... Mais pas si mauvais que ça... ». Il sourit un peu et finalement demande : « Et toi alors, qu'est-ce que tu penses de l'entrée de Kelowna dans l'Alliance ? ». Il est curieux de connaître son avis aussi sur cette question qui divise bien des foules.

Avec un certain courage et surement un peu de curiosité, il attrape un criquet et le mange. C'est particulier mais pas horrible. Il n'en mangerait pas par kilo, mais il comprend enfin ce que voulait dire cette fille du désert. Quand les caravanes se retrouvent prises au milieu des tempêtes de sables ou des infestations de sauterelles, cela fait de la nourriture facilement accessible une fois l'orage passé. De quoi survivre pendant plusieurs jours jusqu'à trouver l'oasis suivante. Même les chevaux et certains de leurs troupeaux les mangent. Du bout des doigts, Noomie pousse le bol vers lui. Il rit un peu et dit : « Tu devrais essayer, franchement c'est surprenant ». Cependant lui même n'en reprend pas. Cependant, il en attrape un et le tend au raton laveur qui s'est rangé sous le tabouret en bois qu'il occupe. L'animal prend l'offrande et la renifle.

L'espace d'un instant, Kalevi relève son regard sur Noomie lorsqu'elle prend la parole pour répondre à sa question. Il est surpris qu'elle réponde aussi ouvertement mais ne le montre pas. Lui-même n'aurait pas dû donner le sien. Il ne devrait pas se permettre d'avoir de tels opinions. Il n'est qu'un garde. Il sourit un peu en constatant qu'ils ont les même avis. Il continue à l'écouter tout en regarder à nouveau le raton laveur qui renifle l'insecte avant de mordiller un peu semblant vouloir goûter mais avec méfiance. Il se redresse alors qu'elle propose de trinquer à tous ces changements qui surviennent. Il la regarde et rit un peu, avant de dire : « Je ne suis pas un adepte du changement... Surtout quand il annonce des malheurs en perspective ». Kalevi n'y croit pas. Il ne croit pas à la paix avec Kelowna. Que la nouvelle chef du nord soit pacifiste ou non, cela se retournera contre l'Alliance. Soit elle les trahira, se jouant de la naïveté d'Akeela, soit elle se fera décapiter et l'Alliance sera trahie par le nouveau chef. Il lève cependant son verre en disant : « Je préfère trinquer aux valeurs sûrs et aux amis sur lesquels je suis sûr de pouvoir compter ». Il parle d'elle bien entendu.

La voilà qui franchit elle aussi le cap de goûter à un criquet. Kalevi la regarde faire puis sourit un peu amusé lorsqu’elle reprend le mot qu’il a lui-même utilisé pour qualifier cette étrange nourriture. Il n’est pas mécontent d’avoir tenté bien qu’il se demande si c’est vraiment une nourriture répandue dans le désert. Il regard les petits animaux grillés et finalement passe à autre chose en trinquant aux gens de confiance. Noomie ne met d’ailleurs pas longtemps à reprendre la parole. Et elle a raison. Ils doivent se soutenir. Ils font le même travail, traversent les mêmes épreuves avec des protégés parfois totalement inconscients des dangers auxquels ils s’exposent. Et quand ils sont réunis, ils ont bien plus de vigilances. Des yeux et des oreilles partout et si d’aventure un souci arrive, ils sont là pour protéger parfois bien plus de personnes que leur seul protégé. Si quelqu’un s’en prenait à Nukka en sa présence, Kalevi n’hésiterait pas une seule seconde à dégainer son épée. Et il se doute que Noomie en ferait de même s’il s’agissait d’Akeela. Elle reprend la parole en parlant du chef de la garde de Nukka et Kalevi rit amusé : « Je te crois sur parole. Et j’espère que cela n’en arrivera pas là ». Mais il comprend ce qu’elle peut ressentir. C’est frustrant d’être soumis à des décisions qui les dépassent. Kalevi n’a plus ce problème, mais il l’a eu. Et cela s’est mal terminé. Il écarte ces funestes pensées de son esprit et écoute Noomie à nouveau.

Il sourit un peu et dit : « Ne m’en parle pas… Akeela a même emmené les apprentis… ». Enfin une partie au moins. « Plus on est de fous, plus on rit, n’est-ce pas ? J’espère juste que tout se passera bien ». Il fait craquer sa nuque et retient son soupire. Il n’y croit pas. Ajouté à cela le fait qu’elle est totalement incontrôlable et Kalevi se rappelle que parfois, il se sent vraiment très seul. Il ne sait pas si elle le fait exprès ou si elle est réellement inconsciente des risques qu’elle prend et qu’elle va même jusqu’à parfois faire prendre aux apprentis. Il en veut parfois à Dastan de lui avoir appris cela et il lui en veut à elle de ne pas avoir retenu la leçon. Elle a vu Dastan mourir… Mais cela ne l’empêche pas de quitter la citadelle de façon régulière et sans aucune protection. « Si… Oh que si… ». Kalevi en rêve. Il sourit amusé mais parfois il se dit qu’il devrait le faire. Que cela règlerait une grande partie de ses problèmes. Il soupire un peu et dit : « Le pire dans tout ça, c’est qu’on a beau donner des consignes claires, elles ont trop d’influence et n’hésitent pas à changer les choses à leur convenance… ». Kalevi a beau doublé les gardes dans la citadelle, Akeela arrive à sortir. Et il n’est pas idiot le garde. Il connaît bien les passages par lesquels elle peut sortir. Elle doit bien se débrouiller autrement et ça ne laisse pas dix mille possibilités. Parfois, Kalevi aimerait l’enfermer et faire tomber quelques têtes aussi…

En théorie il n'y a aucun risque. Il n'y a jamais eu de risque à aller de clan en clan au sein de l'Alliance, ni à se rassembler pour des célébrations. Mais depuis l'arrivée de Sengoli au sein de l'Alliance et plus récemment de Kelowna, Kalevi n'est plus aussi sûr que les choses soient si claires. Les deux clans ammènent des passés bien complexes de guerres et de diverses violences. Et au sein des deux clans, il reste des esprits échaudés, belliqueux. Alors il répond : « Rien n'est moins sûr ». Encore une fois, cela renvoie à cette simple question : Akeela a-t-elle conscience de ses actes ou fait-elle les choses simplement parce qu'elle en a envie ? Kalevi n'a pas la réponse à cette question. Tout ce qu'il sait c'est que la jeune femme prend de trop nombreux risques. A croire qu'elle n'a rien appris de la mort de Dastan. Il renvoie ces pensées souvent envahissantes aux confins de son esprit pour continuer la conversation. Il se rend bien compte qu'ils se ressemblent beaucoup d'une certaine façon. Dans leur vision de leur métier, leur façon de faire et de penser. D'une certaine façon, il trouve ça presque dommage qu'ils ne puissent pas se voir plus souvent, puis se rappelle que pour rien au monde il ne laisserait Akeela seule à la citadelle. Alors le problème n'existe pas réellement. Noomie rajoute qu'elles sont têtues. C'est le minimum. Akeela est clairement bornée. Mais c'est aussi pour cela qu'il l'aime.

Elle remplit à nouveau leurs verres et Kalevi prend le sien pour en boire une gorgée. Elle rajoute qu'il a au moins la chance de pouvoir donner des ordres. Oui... Depuis qu'Akeela l'a nommé chef de la garde, c'est le cas. Mais avant cela, il n'était qu'un garde, comme elle. Elle lui pose une question et il dit : « J'ai cette chance oui, mais cela n'a pas toujours été le cas... ». Il ferme un instant les yeux et il dit : « Je sais à quel point cela peut être frustrant » et douloureux. Mais il ne le rajoute pas. A nouveau, il se force à faire taire la douleur et répond à sa question : « A plusieurs reprises oui... ». Kalevi le connait un peu, mais sans plus. Il n'a pas réellement d'accroche avec cet homme. Il dit : « Je crois que nous n'avons pas la même façon de travailler... Il me trouve sans doute trop excessif et moi pas assez prudent... ». Mais ce ne sont que des impressions. Etrangement, Kalevi a l'impression que Noomie pense la même chose, alors il demande : « Est-il aussi imprudent que je ne le pense ? ». Après tout, il ne la dénoncera pas, elle peut bien penser ce qu'elle veut. Et si elle le pense, cela lui permet de compenser un peu, d'une certaine façon.

Finalement prendre quelques minutes pour lui est agréable. Il ne le fait pas souvent parce qu'en réalité, une partie de lui refuse de s'attacher à nouveau. Bien qu'il l'ait fait avec Akeela au-delà du raisonnable. Mais son bien être lui importait déjà du temps de Dastan puisque son frère accordait beaucoup d'importance à cette apprentie. Ce qui était important pour son frère était forcément important pour lui. Mais à sa mort, il s’est juré de protéger Akeela mieux qu’il ne l’avait fait pour Dastan. Alors il a passé bien plus de temps avec elle qu’il ne l’aurait dû et tout ce temps passé auprès d’elle a entraîné un attachement qu’il ne contrôle plus depuis longtemps, un amour dangereux pour lui. Il ne supporterait probablement pas de la perdre. Il ne le supporterait pas une seconde fois même si l’attachement qu’il a envers la jeune femme est bien différent de celui qu’il avait pour son frère. Le garde du corps recentre son attention sur Noomie et sur la conversation qu’ils ont tous les deux. Elle lui répond sur la façon dont Gabriel travaille auprès de Nukka et sur la façon dont elle perçoit les choses. Kalevi est curieux alors il écoute avec attention.

Il semble bien plus rigide que lui sur les règles : si un garde n’est pas de garde alors il n’a pas à être dans les parages. D’une certaine façon c’est un moyen de la protéger aussi. Trop de monde pourrait prêter à confusion et n’importe qui de mal intentionné pourrait profiter d’une proximité trop grande – pendant un moment où il ne devrait pas être de garde – pour se jouer de la surveillance des autres et s’en prendre à la chef de clan. C’est tordu mais Kalevi en connaît un rayon en trahison. Il a bien conscience que cela peut venir de n’importe où et surtout des endroits où l’on s’y entend le moins. Alors qu’elle poursuit, expliquant qu’elle donnerait sa vie pour Nukka, Kalevi prend conscience que cette façon de travailler a un autre avantage. D’ailleurs, elle-même le dit : « elle l’aime » et interroge la possibilité que Gabriel ne l’aime pas autant qu’elle puisqu’il ne semble pas comprendre la façon de penser de Kalevi. Alors il dit : « Quand on est garde du corps, certains pensent que l’amour est une faiblesse… Qu’adviendrait-il si tu donnais ta vie pour protéger Nukka mais que par malheur tu ne parvenais pas à te débarrasser de tous les assaillants ? Qui la protègerait ? ». Il marque une pause et dit : « Certains pensent qu’il vaut mieux être détaché, qu’il y a moins d’enjeux et qu’il est moins facile de déjouer la vigilance d’un garde qui n’a pas de sentiment pour la personne qu’il protège. Les pièges sont moins faciles à poser… ». Et Kalevi le sait, il est parfois difficile de garder la tête froide quand on aime une personne. On se laisse parfois un peu trop envahir par les sentiments. Il vide un nouveau verre et dit : « Toi et moi ne voyons pas les choses comme ça. L’amour est une force, tant que l’on garde toujours la précaution de prendre le temps d’analyser les choses et de prendre du recul ». Une décision hâtive est une mauvaise décision, même si parfois il est aussi important de suivre son instinct.

Il n'y a pas de doute, il y a toujours des avis différents sur la meilleure façon de faire les choses. Et tous ont des avantages et des inconvénients, chacun détient une petite partie de la vérité. Et il n'y a aucune méthodes meilleures que les autres, personne ne détient la seule et unique façon de faire. Parce qu'ici, dans le monde qui est le leur, dans leur société telle qu'elle s'est rebâtie, tout peut changer, tout peut évoluer et les dangers sont tels, que rien ne peut entièrement protéger quelqu'un. Il y a toujours une faille, un risque, quelque chose qu'on ne peut anticiper. Et Kalevi est bien obligé de vivre avec ça. Elle pose une question et il sourit un peu et dit : « La loyauté, l'envie de bien faire son travail, d'être quelqu'un sur qui on peut compter, d'être le meilleur dans sa spécialité. Il y a des tas de raisons qui peuvent motiver un garde qui se détache de celui ou celle qu'il protège. Toutes ont des failles, rien ne peut être parfait ». Il sourit simplement.

Mais là, face à leurs verres, les deux gardes font une pause. Une réelle pause. Elle se confie, exprime ses ressentiments sa frustration et lui est bien content d'avoir esquivé les questions sur son passé. Il aurait eu toutes les peines du monde à lui mentir surtout avec plusieurs verres faisant déjà leur effet. Kalevi est plutôt calme, posé et apprécie grandement ce moment, bien plus qu'il ne l'aurait pensé, c'est une évidence. Il a bien du mal à se dérider le garde. « C'est difficile à comprendre pour les autres... ». Impossible même. Pour les gardes comme eux, ce n'est plus un travail, en réalité c'est un mode de vie. Une façon de vivre, un changement qui les ébranle totalement, pour le reste de leur vie. Quelque chose qui ne pourra jamais plus changer, qui fera partie d'eux à jamais. Il reprend pour dire : « Mais effectivement, elle ne quitte jamais mon esprit ». Elle lui demande s'il l'aime. Il sourit un peu et vide un verre avant de les servir de nouveau et dit : « C'est un peu plus compliqué que cela ». Il l'aime c'est vrai, mais c'est bien plus compliqué qu'un simple amour. Il y a son frère, il y a leur passé, il y a tout ce qu'il devrait faire ou ne pas faire, tout ce qu'il ne pourra jamais vraiment dire. Il retient un soupir et demande : « Et toi ? ». Il est curieux de savoir si c'est le cas.